28
déc
2022
Espace Média L'Ifri dans les médias
Diana-Paula GHERASIM, cité par Audrey Garric et Perrine Mouterde dans Le Monde 

2022, année charnière pour l’environnement

Entre l’accord de Paris sur le climat, celui sur la biodiversité et les objectifs de développement durable, les avancées étaient loin d’être gagnées dans un contexte de multiples crises. Mais les promesses restent insuffisantes et leur mise en œuvre pose question.

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L’année 2022 a-t-elle marqué un sursaut dans l’action internationale pour l’environnement ? Si la partition d’un véritable succès sera bien plus complexe à jouer, l’année s’achève en tout cas avec quelques notes positives.

A la dernière conférence mondiale sur la biodiversité (COP15), à Montréal, le 19 décembre, les pays sont parvenus à adopter un nouveau cadre global visant à entrayer l'effondrement du vivant d’ici à 2030. Quelques semaines plus tôt, son équivalent pour le climat, la COP27, accouchait en Egypte d’un accord pour créer un fonds pour les dégats irreversibles causés par le réchauffement. Les pays ont également entamé des négociations pour élaborer un traité international juridiquement contraignant visant à mettre fin à la pollution plastique. 

Dans le même temps, l’Union européenne (UE) décrochait une série d’accords pour accélérer ses baisses d’émissions de gaz à effet de serre : la réforme de son marché carbonne, l’instauration d’une taxe carbone aux frontières ou encore l’arrêt de la vente de véhicules thermiques neufs en 2035. Elle s’est également accordée pour interdire l'importation de produits liés à la deforestation, tels que le soja, le bœuf ou le cacao. Outre-Atlantique, les Etats-Unis ont réussi à faire passer leur Inflation Reduction Act, un plan d’investissement colossal (environ 350 milliards d’euros), dans la transition bas carbone.

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« Leadership partagé » avec le Sud

Ces avancées pour l’environnement étaient loin d’être gagnées dans un contexte de multiples crises (énergétique, alimentaire, de l’inflation et de la dette), et alors que la guerre en Ukraine ébranle le multilatéralisme. « Avant les COP27 et COP15, on voyait des retours de postures opposant l’Occident au Sud, avec des demandes de réparation pour la crise écologique mais aussi pour le colonialisme, note Sébastien Treyer. Il y avait un très fort risque que les inégalités de développement fassent tout capoter. »

Si les pays sont finalement parvenus à coopérer, c’est d’abord parce que le Nord a reconnu les besoins financiers du Sud et a garanti que la solidarité serait au rendez-vous. « Les pays du Sud, quant à eux, ont accepté d’accroître leur ambition [en matière de protection de la biodiversité et de lutte contre le réchauffement], même si tout l’argent dont ils ont besoin n’est pas sur la table », complète-t-il.

Dans un « leadership partagé », dans lequel l’UE joue un rôle moteur et les Etats-Unis sont de retour, les pays émergents « cherchent désormais à faire leur part », juge le directeur de l’Iddri. Initialement en retrait, la Chine, qui présidait la COP15, a finalement largement œuvré à dégager des positions de compromis entre pays développés et en développement à propos du nouveau cadre mondial pour la biodiversité. L’Inde, qui préside le G20 pour un an depuis le 1er décembre, entend se présenter comme un champion du climat. L’Afrique du Sud, le Brésil ou la Colombie affichent aussi un volontarisme nouveau.

Au niveau européen, on est en train d’assister à la « matérialisation » du Green Deal, qui passe « du stade de stratégie de haut niveau au stade de législation », explique Diana-Paula Gherasim, chercheuse énergie et climat à l’Institut français des relations internationales. Dans un contexte de flambée des prix de l’énergie et de guerre en Ukraine, « il était important pour l’UE de montrer qu’elle pouvait mener plusieurs batailles en parallèle et que la lutte contre le changement climatique fait structurellement partie de son action », ajoute-t-elle.

Le contexte de multiples crises pourrait aussi aider, paradoxalement, à faire progresser l’action environnementale, car il favorise un « retour de l’interventionnisme des Etats », rappelle Sébastien Treyer, et donne de la voix à des mesures qui paraissaient jusqu’à présent impossibles, comme une taxe sur les énergies fossiles ou sur les transports aérien et maritime. La multiplication des catastrophes climatiques cette année – inondations au Pakistan, canicules, sécheresses et incendies en Europe, ouragan Ian dévastateur à Cuba et en Floride… – a également pu accélérer la prise de conscience.

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Des engagements peu contraignants

Non seulement les promesses restent insuffisantes, mais de surcroît leur mise en œuvre fait défaut tant l’accord trouvé à Montréal que celui de Paris ne sont pas réellement contraignants et ne sont pas assortis de mécanismes de sanction en cas de non-respect des engagements. « Les engagements [pris lors de l’accord de Paris] ne se sont pas encore suffisamment transformés en actions nationales et surtout en impacts, relève Janet Ranganathan, directrice générale de l’Institut des ressources mondiales (WRI). Ils n’ont pas diminué la concentration en CO2 dans l’atmosphère. »

Concernant le déclin sans précédent des espèces et des écosystèmes, l’atteinte des objectifs ambitieux adoptés à Montréal représentera un véritable défi, chaque Etat devant désormais aligner ses stratégies et plans nationaux sur le cadre global. Pour éviter de dresser un constat d’échec total dans huit ans – comme cela a été le cas pour les cibles adoptées au cours de la décennie précédente –, les Etats se sont cette fois accordés sur un mécanisme plus robuste de suivi et d’évaluation régulière des progrès. La concrétisation rapide des nouveaux engagements financiers sera aussi cruciale pour faire en sorte que l’accord de Kunming-Montréal soit réellement suivi d’effets.

Au sein de l’UE, la mise en œuvre des nouvelles législations nécessitera un « effort massif et soutenu de la part des gouvernements pour déployer les énergies renouvelables et les infrastructures, par exemple de recharge de véhicules électriques, ou encore rénover les bâtiments », rappelle aussi Diana-Paula Gherasim.

Les récents progrès ne doivent en outre pas occulter des reculs. L’année 2022 a aussi vu un recours accru aux énergies fossiles dans le contexte de crise énergétique, un report de la réglemmentation européenne pour réduire de moitié l'usage des pesticides, des reculs sur la transition agroécologique européenne ou encore la suspension des négociations internationales sur la protection de la haute mer. La COP27 a échoué à s’attaquer aux énergies fossiles, et la majorité des pays n’ont pas relevé leurs objectifs climatiques.

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> Article paru dans Le Monde 

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