Les accords d’Abraham à l’épreuve du conflit entre Israël et le Hamas
Comme les États-Unis, comme l’Europe et comme les pays arabes, les États du Golfe avaient cru qu’il était possible de vivre en ignorant la question palestinienne, un conflit de basse intensité.
Combien de temps pourront-ils tenir leur grand écart entre le golfe Persique et la mer Méditerranée? Pièce maîtresse des accords d’Abraham qui ont scellé la paix avec Israël en 2020, les Émirats arabes unis tentent depuis un mois de maintenir un difficile équilibre entre l’opinion arabe et leur partenaire israélien. Quand ils s’expriment en public, les dirigeants font preuve de la plus grande modération. À la tribune de la World Policy Conference (WPC) organisée du 3 au 5 novembre par l’Ifri à Abu Dhabi, Anwar Gargash, le conseiller diplomatique du président, ne parle jamais de la réponse israélienne «disproportionnée» sans évoquer dans la même phrase les attaques du 7 octobre - condamnées par les Émirats - et les otages israéliens.
Pas question pour l’instant de remettre en question les accords d’Abraham, volontiers considérés à Abu Dhabi comme un game changer qui pourrait - ou pouvait - ramener la stabilité et la prospérité dans toute la région. «Lorsque nous avons signé les accords d’Abraham, nous avons été attaqués par la rue arabe et par la gauche française. Nous avons tenu bon. Aujourd’hui nous refusons de prendre des mesures cosmétiques comme le rappel de notre ambassadeur en Israël, comme l’a fait la Jordanie. Car ce serait interprété comme une marche arrière vis-à-vis des accords d’Abraham», explique une source proche du pouvoir.
Cette position nuancée est assumée par le pouvoir, qui considère toujours les accords d’Abraham comme le «prototype» d’une future paix arabe basée sur l’économie et la prospérité. Une initiative qui a permis, selon un expert, «de changer la nature du conflit avec Israël en le faisant passer d’existentiel à politique». Une cohabitation dans laquelle les Émirats se sentent à l’aise. «On ne va pas changer cette méthode. Nous conservons les mêmes priorités. Nous devons continuer à travailler ensemble pour la stabilité. Regarder vers l’avenir tout en gérant les démons du présent et du passé», affirme Anwar Gargash.
Premières leçons
Les Émirats ont toujours considéré les Frères musulmans et leur branche palestinienne, le Hamas, comme une menace existentielle au Moyen-Orient. Ils ont d’ailleurs soutenu le président égyptien al-Sissi lorsqu’il a renversé l’islamiste Morsi en 2013. La «destruction» du Hamas par Israël ne leur tirera pas une larme des yeux… «Notre partenaire de paix, c’était Israël, pas le Hamas» rappelle un expert émirien.
À Abu Dhabi, on s’accroche aussi à l’espoir que l’Arabie saoudite poursuive, une fois que la guerre à Gaza sera terminée, son chemin vers les accords d’Abraham. Même si on est conscient que les terroristes du Hamas, en frappant au moment où Israël et l’Arabie saoudite accéléraient leur rapprochement, ont aussi fait passer un message d’Iran. Et même si on considère que le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, n’a pas fait sa part d’efforts pour sécuriser les accords d’Abraham sur le long terme.
Hors des cabinets politiques, pourtant, le pays bout, comme ses voisins. «Jamais je n’ai vu autant de colère et de haine. C’est simple, on a oublié le 7 octobre. L’horreur a été remplacée par une autre», raconte un diplomate émirien. Beaucoup préviennent qu’il est impossible de tuer une idéologie et que la violence de la réaction israélienne comme le nombre de morts palestiniens ne feront que créer une «nouvelle armée» de combattants du Hamas.
«J’ai l’impression, poursuit le diplomate, que la pendule est repartie en arrière. Aujourd’hui, la rue ne fait plus la différence entre les Palestiniens et le Hamas. On entend beaucoup de gens dire que le Hamas est un mouvement de résistance. Il y a deux mois, ce discours n’existait pas.» Au Maroc et à Bahreïn, deux autres signataires des accords de paix avec Israël, les appels à l’annulation de la normalisation des relations diplomatiques avec Tel-Aviv se multiplient. Jusqu’où Israël peut-il aller sans faire exploser le seuil de tolérance de ses alliés arabes? C’est la question que tout le monde se pose.
Une erreur en commun
Aujourd’hui, les Émirats, comme leurs voisins dans le monde arabe, mettent en garde contre le risque d’escalade régionale. «Il faut faire baisser la température régionale, qui approche d’un point d’ébullition… Le risque de débordement régional et d’escalade est réel, de même que le risque que des groupes extrémistes profitent de la situation pour promouvoir des idéologies qui nous enfermeront dans des cycles de violence», affirme Noura al-Kaabi, ministre d’État aux Affaires étrangères, à la World Policy Conference (WPC).
Vue d’Abu Dhabi et du voisinage, la réaction de Tsahal, même si on considère qu’elle était nécessaire pour démanteler les capacités militaires du Hamas, ne réglera pas la question palestinienne. «Le sujet palestinien n’était pas considéré comme une priorité. Mais il explose toujours. Aujourd’hui la régionalisation du conflit constitue une opportunité pour certains pays qui veulent renforcer leurs leviers», prévient Nabil Fahmy, ancien ministre des Affaires étrangères d’Égypte, le premier pays arabe ayant fait la paix avec Israël.
Hors des cabinets politiques, pourtant, le pays bout, comme ses voisins. «Jamais je n’ai vu autant de colère et de haine. C’est simple, on a oublié le 7 octobre. L’horreur a été remplacée par une autre», raconte un diplomate émirien. Beaucoup préviennent qu’il est impossible de tuer une idéologie et que la violence de la réaction israélienne comme le nombre de morts palestiniens ne feront que créer une «nouvelle armée» de combattants du Hamas.
«J’ai l’impression, poursuit le diplomate, que la pendule est repartie en arrière. Aujourd’hui, la rue ne fait plus la différence entre les Palestiniens et le Hamas. On entend beaucoup de gens dire que le Hamas est un mouvement de résistance. Il y a deux mois, ce discours n’existait pas.» Au Maroc et à Bahreïn, deux autres signataires des accords de paix avec Israël, les appels à l’annulation de la normalisation des relations diplomatiques avec Tel-Aviv se multiplient. Jusqu’où Israël peut-il aller sans faire exploser le seuil de tolérance de ses alliés arabes? C’est la question que tout le monde se pose.
Une erreur en commun
Aujourd’hui, les Émirats, comme leurs voisins dans le monde arabe, mettent en garde contre le risque d’escalade régionale. «Il faut faire baisser la température régionale, qui approche d’un point d’ébullition… Le risque de débordement régional et d’escalade est réel, de même que le risque que des groupes extrémistes profitent de la situation pour promouvoir des idéologies qui nous enfermeront dans des cycles de violence», affirme Noura al-Kaabi, ministre d’État aux Affaires étrangères, à la World Policy Conference (WPC).
Vue d’Abu Dhabi et du voisinage, la réaction de Tsahal, même si on considère qu’elle était nécessaire pour démanteler les capacités militaires du Hamas, ne réglera pas la question palestinienne. «Le sujet palestinien n’était pas considéré comme une priorité. Mais il explose toujours. Aujourd’hui la régionalisation du conflit constitue une opportunité pour certains pays qui veulent renforcer leurs leviers», prévient Nabil Fahmy, ancien ministre des Affaires étrangères d’Égypte, le premier pays arabe ayant fait la paix avec Israël.
Il faut faire baisser la température régionale, qui approche d’un point d’ébullition, Noura al-kaabi, ministre d’État aux Affaires étrangères des émirats arabes unis
C’est une erreur qu’ils ont faite en commun: comme les États-Unis, comme l’Europe et comme les pays arabes, les États du Golfe avaient cru qu’il était possible de vivre en ignorant la question palestinienne, un conflit de basse intensité. Ils tirent aujourd’hui les premières leçons de la crise, notamment l’échec de la politique de confinement, qu’il s’agisse de celle qu’a pratiquée Israël vis-à-vis de Gaza ou de celle qu’ont imposée les États-Unis à l’Iran.
«La faille de l’idéologie de la fin de l’Histoire tient à ce qu’elle ne vaudrait que si les grands conflits avaient été préalablement gérés» rappelle Thierry de Montbrial, organisateur de la WPC et président de l’Ifri.
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