27
jan
2023
Espace Média L'Ifri dans les médias
Alain ANTIL, interviewé par Julien Rapegno pour La Montagne

Burkina Faso : le charme de Poutine

La junte au pouvoir au Burkina Faso a emboîté le pas du Mali en dénonçant les accords de défense avec la France et en opérant un rapprochement avec la Russie. Après avoir annoncé le départ des 400 forces spéciales stationnées depuis 10 ans dans la capitale du Burkina Faso, Paris a annoncé hier le rappel de son ambassadeur à Ouagadougou. Analyse avec Alain Antil, directeur du Centre Afrique subsaharienne de l’Institut français des relations internationales (Ifri).

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Le rejet de la France provient-il surtout des déceptions suscitées par la lutte anti-djihadiste ou l’influence de l’ancien colonisateur n’est-elle plus tolérée par les jeunes générations ? 

Ce rejet est très fort dans certains pays africains francophones, en particulier au Sahel, au Mali au Burkina-Faso mais aussi au Niger, au Tchad et même au Sénégal. Au Mali et au Burkina Faso, on attendait certainement beaucoup trop de Barkhane et le fait que l’insécurité et le djihadisme ont continué de progresser ces dernières annéesaprovoqué le désarroi et la colère des populations, certains allant même jusqu’à accuser Paris de collusion avec les terroristes. Plus largement, les jeunesses des grandes villes réclament la fin du Franc CFA, la fin de la présence militaire française sur leur territoire et une relation moins "paternaliste" avec Paris.

Le Burkina Faso semble se placer dans le sillage de son voisin malien, mais y a-t-il des nuances dans les deux approches ? 

Oui, vu de loin, on peut évidemment pointer des similitudes, mais il y a de vraies différences. Notamment, l’activité de Barkhane a été beaucoup plus importante au Mali que dans les aut res pays. Et l’on oublie que ce sont les autorités françaises, par la voix du Président Macron, qui ont annoncé la fin de Barkhane, avant que le Mali demande officiellement son départ et ne fasse venir le Groupe Wagner. D’une manière générale, les autorités burkinabè ont affirmé qu’elles avaient surtout besoin d’armes, de renseignement et de soutien technique et non de militaires étrangers sur leur sol.

Quelles sont les probabilités que cette défiance se propage à d’autres pays de la zone ?

Il y a une très grande frilosité française, et plus largement européenne, à offrir ou vendre des armes ou des systèmes d’armements à des régimes qui pourraient en faire usage contre des populations civiles, ce qui est malheureusement le cas dans certains pays sahéliens. Ces frilosités suscitent une incompréhension dans des pays comme le Mali ou le Burkina Faso, où les Etats jouent leur survie. La Russie, la Turquie ou d’autres n’ont pas ces pudeurs. De plus, Moscou offre aujourd’hui une gamme de services sécuritaires très large, depuis la fourniture d’armes, à la protection de régimes. Une offre très intéressante pour des régimes fragiles ou fortement contestés.

La Russie a-t-elle durablement les moyens d’être un partenaire militaire et économique pour ces pays ? 

Moscou reste un partenaire économique de seconde zone, même si les flux commerciaux avec l’Afrique, dans lesquels les ventes d’armes sont très majoritaires, ont augmenté ces dernières années. Mais c’est incomparable avec les grandes économies d’Europe de l’Ouest, la Chine ou les États-Unis. En revanche, cette politique sécuritaire semble avoir de beaux jours devant elle malgré quelques déconvenues. On peut citer l’échec de l’implantation d’une base militaire sur la mer Rouge ou celui de Wagner au Mozambique. Et il se peut qu’à terme la présence de Wagner en République centrafricaine et au Mali soit la pire publicité pour les autorités russes. Car les mercenaires de Wagner sont des tueurs et Wagner repose sur un modèle de prédation : l’objectif est l’accès aux mines.

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conflits armés civils Djihadism Afrique subsaharienne Burkina Faso Russie Sahel