27
juil
2023
Espace Média L'Ifri dans les médias
Alain ANTIL, interviewé par l'AFP.

Coup d’État au Niger : « Il y a un risque de décrochage sécuritaire »

Ce putsch au Niger pose la question du maintien des coopérations occidentales avec Niamey et fait craindre une phase d'instabilité avec un « risque de décrochage sécuritaire », estime Alain Antil, directeur du centre Afrique subsaharienne à l'Institut français des relations internationales (Ifri).

Le coup d'État en cours au Niger était-il prévisible ?

On savait que le pouvoir du président Bazoum était très fragile. Son élection était contestée par l'opposition. Il y a eu une, voire plusieurs tentatives de putsch au Niger depuis son arrivée au pouvoir. Et on savait que dans l'armée un certain nombre d'officiers étaient assez mécontents de la situation.

Une partie de l'opinion publique nigérienne est au moins aussi anti-française qu'au Burkina Faso et au Mali. En revanche, le président Bazoum et le régime avaient, contrairement à ses voisins, opté pour l'option occidentale, avec un partenariat sécuritaire avec les Français, un fort soutien des États-Unis, une présence militaire allemande, italienne… L'ensemble de la communauté internationale était au chevet du Niger. Mais les partenaires restent démunis car on aborde la question d'un point de vue antiterroriste alors qu'on a des insurrections très localisées, très ancrées dans les populations, qui prennent une coloration communautaire.

Quid de la poursuite de la coopération avec les Occidentaux, alors que le pays est confronté à de multiples défis sécuritaires ?

La situation du Niger et dans son environnement est extrêmement préoccupante. Le pays est bordé par le chaos libyen, le Nigeria avec Boko Haram et ISWAP, le nord du Bénin très fortement touché par le djihadisme et évidemment le Mali et le Burkina Faso. C'était un pôle de stabilité malgré des problèmes sécuritaires sur le territoire, ils étaient plutôt bien contenus géographiquement du côté du lac Tchad, en revanche la menace avait tendance à s'étendre à l'Ouest.

Or l'instabilité va régner avec la mise en place d'institutions nouvelles, on peut craindre un décrochage sécuritaire. C'est ce que qui s'est passé au Mali et au Burkina Faso lorsque les juntes se sont installées et ont chassé des présidents élus. On va voir assez rapidement quelles sont les options choisies par la junte.

Parmi les scénarios possibles figure le fait que les officiers nigériens au pouvoir n'entretiennent pas d'aussi bonnes relations avec les Français à l'avenir. Mais l'option malienne de virer toute la communauté internationale et de garder la milice Wagner n'est pas très efficace. Le Niger a aussi comme voisin le Burkina Faso, qui a fait le choix de compter sur ses propres forces, et on ne peut pas dire que ce soit une grande réussite.

Qu'est-ce que la France a à perdre si le Niger lui demande de partir ? Est-il envisageable que la junte nigérienne fasse le choix de s'allier aux Russes, comme les Maliens ?

Sur ce point, à ce stade, c'est trop tôt pour le dire. La junte nigérienne derrière ce coup d'État est très composite. En revanche au Mali, on le sait, des officiers putschistes sont russophiles et russophones et ont fait fructifier leurs liens notamment pour les livraisons d'armes et le recours à Wagner.

Concernant la France, contrairement à une idée reçue, les relations économiques et commerciales entre Niamey et Paris sont extrêmement ténues. Sur le plan de l'uranium, sur les dix dernières années, le Niger est le 5e fournisseur de la France, il n'est plus le partenaire stratégique de Paris comme il a pu l'être dans les années 1960-1970. Par ailleurs, il n'y a plus beaucoup d'entreprises françaises au Niger à part Orano (ex-Areva).

La question en suspens est de savoir ce qui va se passer sur le plan de la coopération militaire très étroite entre les forces nigériennes et françaises. Le pays accueille au moins 1 500 soldats français qui luttent d'arrache-pied avec les armées nigériennes à la frontière malienne. La France a fait le choix de changer d'approche militaire, ne pas combattre à la place de l'armée locale, mais de les soutenir, ce qui a permis de repousser les problèmes en dehors du territoire notamment côté malien.

Lire l'interview sur Le Point.fr

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