22
jan
2022
Espace Média L'Ifri dans les médias
Hans STARK, cité par Clément Daniez dans L'Express

Crise ukrainienne : entre l'Allemagne et la Russie, une liaison dangereuse

Berlin a tendance à manquer de fermeté à l'égard de Moscou, pour des raisons à la fois historiques, politiques et économiques.

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Alors que la possibilité d'une invasion russe de l'Ukraine s'intensifie au fil des jours, un pays a plus de mal que d'autres à afficher sa fermeté au sein du camp occidental : l'Allemagne. Certes, Olaf Scholz a reconnu, le 18 janvier, qu'une telle "intervention militaire" aurait "un coût élevé", en référence explicite à des sanctions visant Nord Stream 2, l'un des rares moyens de pression dont disposent les Européens. Mais, ces propos sont largement atténués par d'autres : le chancelier social-démocrate répétait, en décembre, que le gazoduc passant par la mer Baltique, appelé à jouer un rôle crucial dans l'approvisionnement énergétique de son pays, devait être considéré comme "un projet économique purement privé". Sous-entendu : à exempter du panier des sanctions.

Plus récemment, les déclarations d'un haut gradé allemand ont indigné Kiev. En qualifiant d'"ineptie" l'idée que la Russie puisse envahir l'Ukraine et en estimant que Vladimir Poutine "mérite probablement" le respect, le chef de la Marine allemande a déclenché un tollé, au point que ce dernier a été démis de ses fonctions samedi soir.  

Les oscillations d'Olaf Scholz reflètent tout autant celles de la société allemande. N'en déplaise aux Etats-Unis, la politique étrangère du Kremlin bénéficie d'une certaine indulgence outre-Rhin. Une ambiguïté qui s'exprime en particulier dans les rangs des sociaux-démocrates (SPD), alors que l'un des leurs, l'ancien chancelier Gerhard Schröder, préside la société Nord Stream 2. "Je peux mentalement comprendre le fait que les Russes se sentent menacés", a ainsi déclaré Rolf Mützenich, le chef du groupe parlementaire SPD au Bundestag, évoquant le fait que les dépenses militaires de l'Otan sont "bien plus élevées que celles de la Russie". Il a également dénoncé des "menaces réciproques" concernant la crise ukrainienne, alors que Kiev ne compte envahir personne. 

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"Ostpolitik" et culpabilité

Cette ouverture à l'égard de Moscou s'explique par l'attachement à l'"Ostpolitik", le rapprochement avec l'Est initié par le chancelier Willy Brandt, dans les années 1970.

  • "Elle est perçue comme l'une des raisons de l'écroulement du bloc communiste et de l'unité allemande, rappelle Hans Stark, conseiller pour les relations franco-allemandes à l'IFRI. Le changement par le rapprochement a aussi été le fil rouge de la politique étrangère vis-à-vis de la Chine et la Russie, ces vingt dernières années, avec l'idée que leur démocratisation découlerait de l'interdépendance économique avec l'Ouest." 

La culpabilité liée à la Seconde Guerre mondiale explique également le ton parfois conciliant de l'Allemagne à l'égard de Moscou. Le régime nazi est à l'origine de 25 millions de morts soviétiques, estiment les historiens. "Les Russes, sans aucun complexe, ont toujours essayé de jouer de la mauvaise conscience allemande", relève Jean-Maurice Ripert, ambassadeur de France en Russie de 2013 à 2017. "C'est une corde qui marche encore très bien avec l'ancienne génération, moins avec la nouvelle,", précise Stefan Meister, du groupe de réflexion Conseil allemand pour les relations étrangères (DGAP). 

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