03
oct
2023
Espace Média L'Ifri dans les médias
Thomas Gomart
Thomas GOMART, chronique parue dans la revue Études

La diplomatie francaise en quête de cap

En quelques semaines, l’actualité internationale s’est accélérée. De l’intensification de la guerre d’Ukraine au sommet des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) dominé par la Chine, en passant par les coups d’État en Afrique ou le rapprochement entre le Japon et la Corée du Sud orchestré par les États-Unis, il est plus que jamais nécessaire pour la diplomatie française de définir un cap, tant les recompositions à l’œuvre touchent son positionnement traditionnel.

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Lors de la Conférence des ambassadrices et des ambassadeurs, à la fin août 2023, Emmanuel Macron a livré son analyse à travers un long discours construit autour de quatre idées : la politique de sécurité à l’heure de l’Ukraine, la stratégie d’indépendance européenne, la recherche pour la France d’une posture de puissance et d’un partenariat de confiance et, enfin, la nécessité d’une politique de rayonnement et d’influence. Pour la première fois depuis trente ans, le Quai d’Orsay a vu son budget revu à la hausse. Il était grand temps de commencer à réparer « le bras armé diplomatique ».

Très attendue en raison des crises en cours, notamment en Afrique subsaharienne où la France est directement contestée, cette intervention reflète assez bien la vision du monde du président de la République, après six ans à l’Élysée. Est-elle adaptée aux accélérations à l’œuvre ? La question mérite d’être posée dans la mesure où la France donne davantage l’impression de subir que de conduire dans un « moment d’extrême trouble » qui voit « le risque d’un affaiblissement de l’Occident ».

Concernant la guerre d’Ukraine, la position de principe a été rappelée en ces termes : « La Russie ne peut, ni ne doit gagner cette guerre, parce qu’alors, ce serait l’instabilité sur le sol européen et parce qu’alors, ce serait la fin de toute confiance dans les principes du droit international. » À propos de l’autonomie stratégique européenne, le président de la République a écarté les débats théoriques pour définir l’ambition de la manière suivante : « Cela veut dire maîtriser davantage notre destin à travers ce qu’on produit, ce qu’on achète, et les dépendances contraintes en diversifiant. » La France se présente désormais comme « une puissance de partenariat de confiance » car « on a besoin de plus de coopération internationale et d’éviter une partition du monde dans ce duopole et, en quelque sorte, l’éclatement du monde dans une fragmentation ». Macron a aussi souligné l’importance à accorder à l’influence qui « est clé pour l’efficacité de notre action diplomatique, pour le fonctionnement même des démocraties, à l’étranger et chez nous », ouvrant un chantier sur les enjeux liés à l’information.

À la suite de cette conférence, le président de la République a réuni onze chefs de partis politiques dans un format inédit de rencontre, le 30 août, à la maison de la Légion d’honneur, au cours de laquelle la situation internationale a été évoquée. Un large consensus se manifeste sur la politique française à l’égard de l’Ukraine. C’est un point important à relever car, quelques jours plus tôt, l’ancien président Nicolas Sarkozy s’était livré à une analyse toute personnelle de la guerre d’Ukraine, reprise à son compte par Vladimir Poutine.

Cette recherche de consensus est indispensable dans la mesure où la politique étrangère française pourrait continuer à subir des ajustements brutaux à court terme. En premier lieu, la guerre d’Ukraine se transforme en exercice d’endurance stratégique pour les soutiens à Kiev. En deuxième lieu, en Afrique, « l’épidémie de coups d’État » se traduit, dans certains cas, par un rejet explicite de la présence française qui a longtemps hésité entre sécurisation des régimes « amis » et promotion de la démocratie. La vraie rupture tient à l’insertion pleine et entière des pays africains dans la mondialisation transactionnelle. En dernier lieu, l’émergence d’un autre ordre mondial, construit en opposition à la domination occidentale, place la France dans une position inconfortable car elle a pleinement bénéficié de cet ordre tout en se singularisant par un discours de « troisième voie ». Il est frappant de voir Macron le reprendre à son compte à propos de la région indo-pacifique.

La grande difficulté pour Paris réside dans la manière de gérer des crises ou des conflits de plus en plus aigus, qui pèsent directement sur sa sécurité, et un agenda de questions globales (lutte contre le réchauffement climatique, sécurité alimentaire, refonte du système financier, etc.) qui requiert une permanente coordination entre de nombreux acteurs.

 
 
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Diplomatie française politique étrangère française France