26
avr
2023
Espace Média L'Ifri dans les médias
Cédric PHILIBERT, cité par Charlotte Meyer dans les Échos

Eolien : pourquoi ça coince et comment le relancer

La source d'énergie renouvelable la plus emblématique doit composer avec de fortes contestations citoyennes et des politiques publiques parfois balbutiantes.

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Une nouvelle source de pollution ?

Pour Cédric Philibert, la plupart des arguments présentant les éoliennes comme nuisibles pour l'environnement pèchent par l'absence de mise en perspective. C'est aussi le cas pour le débat sur leur cycle de vie.

Pour fonctionner, une éolienne n'émet pas de gaz à effet de serre. En revanche, lors de sa phase de construction, elle utilise des matières premières et de l'énergie. C'est ce que l'on appelle « l'énergie grise ». Les détracteurs de l'éolien lui reprochent notamment d'utiliser des terres rares, exploitées majoritairement en Chine. En réalité, l'utilisation des métaux rares reste minime, circonscrite aux éoliennes maritimes.

Dévoilée en 2019, la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) rendait obligatoire d'ici 2023 le recyclage des matériaux constitutifs des éoliennes lors de leur démantèlement, et la réutilisation des sites éoliens en fin de vie pour y réimplanter des machines plus performantes.

Aujourd'hui, le taux de recyclage d'une éolienne est de 95 %, « bien plus élevé que le recyclage des téléphones portables », insiste Cédric Philibert.

Les pales, majoritairement confectionnées avec un mélange de résines et de fibres de verre, posent cependant problème. Celles-ci sont pour le moment incinérées à l'instar de nos déchets ménagers. 

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Une énergie imparfaite ?

Mi-avril, l'Allemagne décidait de tourner la page du nucléaire. Officiellement, ce choix doit permettre de donner une impulsion à l'essor des énergies renouvelables. Mais si le pays est parvenu à réduire ses émissions de 40 % en 30 ans, elle reste le premier émetteur européen de CO2. Loin d'être anecdotique, le cas de notre voisin est souvent brandi par les détracteurs de l'éolien. Pour certains, l'intermittence de cette énergie implique de la compenser avec des énergies fossiles, ce qui expliquerait la dépendance de Berlin au charbon.

Pour Cédric Philibert, l'argument est fallacieux : « Il y avait du charbon en Allemagne bien avant les éoliennes. On l'utilise encore uniquement parce que les énergies renouvelables ne sont pas assez nombreuses. » Entre 2010 et 2021, les Allemands ont réduit de 35 % leur consommation de charbon.

A l'avenir, le chercheur estime que l'éolien pourra facilement permettre de se passer des énergies fossiles : « Il existe beaucoup de solutions à la variabilité aujourd'hui. D'abord, l'objectif reste de combiner les énergies renouvelables, en utilisant le soleil lorsqu'il n'y a pas de vent, et inversement. En développant le renouvelable, il sera aussi possible de stocker du surplus d'électricité transformé en hydrogène pour l'utiliser dans les centrales thermiques en hiver. » D'après les scénarios effectués par le Réseau de transport d'électricité (RTE), augmenter le taux de renouvelables dans notre mix énergétique entraînerait en effet des périodes d'excédent.

« Il n'y a pas d'activités humaines sans impact environnemental. L'énergie éolienne, comme l'ensemble des énergies renouvelables, n'est pas une énergie parfaite », indique Mattias Vandenbulcke. Pour le directeur de la stratégie de France Energie Eolienne, cette imperfection n'empêche pas l'éolien de faire partie des meilleures alternatives pour fournir l'énergie de demain.

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Charge ou avantage économique ?

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A terme, l'éolien pourrait également être synonyme de retombées économiques importantes. Depuis 2017, l'éolien fonctionne sur un système d'appel d'offres auquel l'Etat contribue par un complément de rémunération. Autrement dit, si le prix de l'appel d'offres est à 65 € du kilowattheure produit mais que le prix de marché de gros de l'électricité est à 50 €, l'Etat verse la différence au producteur éolien, soit 15 € par kilowattheure produit. Cela a permis d'augmenter sa part dans l'électricité à 8 %.

Or, depuis un peu plus de deux ans, les prix du marché se sont complètement inversés. « Le prix garanti est désormais inférieur à celui du marché, explique Cédric Philibert. Désormais, l'Etat perçoit un retour sur investissement. D'ici cet automne, la filière éolienne lui aura remboursé, via ce mécanisme de complément de rémunération, l'entièreté de ce qu'elle a perçu depuis son existence. » Les nouveaux projets ne devraient donc rien coûter à l'Etat et permettre, à terme, la baisse du prix moyen de l'électricité. De manière générale, le prix de l'éolien a baissé ces dernières années : entre 2010 et 2021, le coût du kilowattheure éolien a été divisé par trois, par cinq pour l'éolien maritime.

Un enjeu démocratique ?

La France est le seul pays européen à n'avoir pas atteint son objectif d'énergies renouvelables (EnR), fixé pour 2020 à 23 % de la consommation finale brute d'énergie. A cette date, notre taux était de 19.2 %. Alors que l'éolien représente 15 % de la consommation d'électricité en Europe, le taux descend à 8 % pour l'Hexagone.

« Nous faisons face à un manque de volonté politique réelle », regrette Cédric Philibert qui pointe du doigt le report des objectifs de 2030 à l'horizon 2050. Le chercheur estime que la récente loi d'accélération ne répond pas à l'urgence du développement des énergies renouvelables : « Elle ne s'empare pas de la question des recours abusifs et limite fortement l'installation de centrales solaires au sol. »

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