États-Unis et Chine : une confrontation techno-commerciale déséquilibrée ?
C’est une nouvelle étape dans la guerre technologique que se livrent les géants chinois et américains. Depuis le début du mois d’août, Pékin a renforcé ses contrôles à l’export de gallium et de germanium, deux métaux critiques utilisés notamment dans la fabrication de batteries, de certains semi-conducteurs ou de radars militaires de dernière génération.
Ces mesures interviennent neuf mois après le durcissement, par les États-Unis, des contrôles sur la gamme la plus avancée de semi-conducteurs, celle équipant les applications militaires en intelligence artificielle. Si la nouvelle est un signal fort indiquant la volonté de Pékin d’engager Washington dans une confrontation, voire une escalade, sur le terrain des restrictions commerciales et technologiques, c’est un combat très inégal que se livrent les deux premières économies de la planète, estime John Seaman, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri) et auteur de « China's Weaponization of Gallium and Germanium » (publié cet été), dans cet entretien accordé à Futuribles.
Les États-Unis ont adopté, il y a un an, une stratégie, dans la lignée de la réglementation EAR (Export Administration Regulations), qui accentue les restrictions d’exportation de composants technologiques stratégiques vers la Chine et qui embrasse un large périmètre (puces, semi-conducteurs avancés, supercalculateurs…). Pouvez-vous développer les implications de cette première décision ?
John Seaman - Oui, les contrôles à l’export instaurés le 7 octobre 2022 par les États-Unis portent sur les gammes de semi-conducteurs les plus avancés, les puces mémoires (memory chips) ou encore logiques (logic chips), utilisées dans la gestion des flux de données, notamment pour les systèmes d’intelligence artificielle (IA). Ce qui inquiète les autorités américaines, ce sont surtout les usages militaires de l’IA. De nos jours, leur posture est de ne plus faire de distinction entre les usages civils et militaires dans le domaine de l’IA, tant la frontière entre les deux est fluide. Et cette posture répond notamment à l’initiative chinoise de faire travailler des entreprises civiles et militaires conjointement sur ces technologies. C’est ce développement-là qui inquiète beaucoup les Américains. Les mesures que Washington a mises en place touchent ce type de semi-conducteurs, mais aussi les machines capables de les fabriquer, avec des projets visant à graver des semi-conducteurs de sept, voire trois nanomètres.
Or, les États-Unis ont une position dominante sur certains logiciels de gravure impliqués dans la fabrication de semi-conducteurs et peuvent, du fait de leur position également dominante en amont des chaînes de valeur, interdire l’accès à la Chine sur des segments de marché très précis, en impliquant d’autres pays. Ils peuvent peser sur leurs partenaires européens et asiatiques, et plus ou moins leur interdire d’exporter des semi-conducteurs (Corée du Sud et Taiwan) ou les machines nécessaires pour les construire (Pays-Bas, Japon). Au-delà des semi-conducteurs, des outils ou des matériaux, c’est aussi une question de savoir-faire. Il y a interdiction pour tout citoyen américain de coopérer avec la Chine sur ce terrain-là.
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>> Retrouver l'entretien intégral sur le site de Futuribles
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