28
nov
2023
Espace Média L'Ifri dans les médias
Dorothée SCHMID, citée par Vincent Lamigeon dans Challenges

Guerre en Ukraine : Comment Kiev a réussi sa contre-offensive en mer Noire

Si sa contre-offensive terrestre commence à ressembler à un échec, l’Ukraine, en multipliant les attaques de drones navals et missiles de croisière, a repoussé vers l’est la flotte russe en Mer Noire. Un repli qui fait les affaires de la Turquie.

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Sacré paradoxe. Alors que sa contre-offensive terrestre s’est soldée par un échec relatif, l’armée ukrainienne, malgré une marine décimée dès les premiers jours de l’invasion russe, affiche des succès bien plus probants en mer Noire. En multipliant les attaques de drones navals et missiles de croisière, Kiev est même parvenu à forcer la marine russe à un repli conséquent vers l’est.

Une dizaine de navires et de sous-marins ont été déplacés du port de Sébastopol (Crimée), centre névralgique de la flotte russe en mer Noire, vers la base de Feodossia, toujours en Crimée, et surtout vers celle de Novorossiïsk, 350 km à l’ouest. « Les images satellites montrent que les forces russes ont récemment déplacé les frégates Amiral Makarov et Amiral Essen, trois sous-marins diesel, cinq navires de débarquement et plusieurs petits navires lance-missiles », indiquait le 4 octobre un point de situation du think-tank américain Institute for the Study of War (ISW). Les « unités précieuses » quittent Sébastopol Ce repli massif est confirmé par les images satellites analysées par le spécialiste français de l’IA militaire Preligens. Selon les analyses de la société, la base navale de Sébastopol, qui accueillait quatre sous-marins conventionnels de classe Kilo en juin, n’en hébergeait plus qu’un le 2 octobre, et aucun le 7 novembre. « La Russie ne déploie plus à Sébastopol ses unités les plus précieuses, comme les sous-marins Kilo et les frégates de classe Grigorovitch, résume Aurélien Debièvre, responsable marketing produit chez Preligens. Novorossiïsk, port plus petit mais beaucoup plus actif, semble être devenu le nouveau centre de gravité de la flotte russe de la mer Noire.

 
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Vers un repli en Abkhazie ?

La Russie, à nouveau à l'initiative sur le front terrestre, apparaît ainsi de plus en plus à la peine sur le front maritime. Même sa nouvelle base arrière de Novorossiïsk pourrait se révéler trop exposée. Moscou envisage de construire une nouvelle base navale à Otchamchira en Abkhazie (région sécessionniste pro-russe en Géorgie), encore plus loin de la ligne de front. Celle-ci est actuellement utilisée par le FSB, le service de contre-espionnage russe.

« Ce repli pourrait permettre à la flotte russe de conduire des frappes de précision, via ses missiles Kalibr (1.500 à 2.500 km de portée) et ultérieurement ses Zircon (missiles hypersoniques d’une portée de 1.000 km), depuis ces bastions, estime Arnaud Peyronnet. Les unités précieuses russes et les convois logistiques disparaîtraient ainsi de la haute mer, la flotte de la mer Noire se transformant peu à peu en une flotte semi-continentale qui ne prendrait la mer que ponctuellement, pour des salves de tir massives. »
 

Cet affaiblissement russe, favorable à l’Ukraine, fait aussi les affaires de l’autre puissance militaire de la région, la Turquie. « Ankara considère que l’affaiblissement de la Russie va lui permettre de devenir l’acteur dominant de la mer Noire, souligne la Dorothée Schmid, chercheuse et responsable du programme Turquie contemporaine et Moyen-Orient de l’Ifri (Institut Français des relations internationales). La zone est d’une importance stratégique pour la Turquie, du fait de l’importance des flux commerciaux et du gisement de gaz offshore de Sakarya. »
 
Ankara ne manque pas d’arguments : elle a massivement réinvesti dans sa marine ses dernières années, dans le cadre de sa doctrine Mavi Vatan, (« La Patrie Bleue ») qui vise à défendre ses droits et intérêts en Méditerranée et en Mer Noire. Elle dispose surtout d’une arme redoutable : en vertu de la convention de Montreux (1936), elle peut fermer les détroits du Bosphore et des Dardanelles aux navires militaires en temps de guerre, ce qu’elle a fait dès les premiers jours de l’invasion russe. « Cela lui permet d’asphyxier tant la flotte russe de la mer Noire que les unités navales russes présentes en Méditerranée orientale, en empêchant les transits et donc les relèves de bâtiments », résume Arnaud Peyronnet dans sa note.
 

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