Guerre en Ukraine : Pourquoi la Russie s’entête-t-elle à lancer des drones interceptés par Kiev ?
Malgré un taux d’interception encore élevé, les drones russes atteignent de plus en plus leur objectif : épuiser les stocks ukrainiens
Encore onze drones russes sur quatorze ont été abattus par Kiev dans la nuit de mercredi à jeudi dernier. Un scénario qui se répète depuis des mois. Mais alors que la majorité de ces appareils lancés sur l’Ukraine sont détruits avant même de faire des dégâts, pourquoi l’armée russe s’entête-t-elle à les envoyer ? Quelle stratégie se cache derrière cet acharnement dans le ciel ukrainien ? L’objectif recherché peut-il aboutir ?
Anéantir le stock ukrainien
Quand la Russie fait pleuvoir les drones dans le ciel de Kiev ou de Kharkiv, elle joue sur le terrain arrière de la guerre et entend « continuer à harceler l’Ukraine » pour que sa défense aérienne ne soit pas disponible sur la ligne de front, explique Isabelle Dufour, directrice des études stratégiques chez Eurocrise. Une stratégie d’ailleurs utilisée par les deux camps, et qui était déjà en place l’hiver dernier.
L’autre raison, peut être plus « récente », selon Isabelle Dufour, c’est la tentative « d’épuiser le stock de munitions de défense aérienne ukrainienne. Et ça marche ».
« On voit d’ailleurs que le taux d’interception est en chute », constate Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du Centre Russie/NEI à l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Il reste néanmoins important, « autour de 70 % » selon Isabelle Dufour, et les dégâts encore limités. Mais en face, « il y a aucune chance que le stock russe [de drones] s’épuise sachant que Moscou est entré en économie de guerre », prévient Isabelle Dufour. D’autant que la différence de coût est conséquente : quand la Russie envoie un drone Shahed de fabrication iranienne estimé à 20.000 euros, un seul missile Patriot utilisé par Kiev pour le détruire coûte 3,80 millions d’euros, selon les données du Center for Strategic and International Studies (CSIS).
Casser la résistance
Outre les motivations militaires, la Russie cherche aussi à « casser la volonté de résistance ukrainienne et celle des Occidentaux à les soutenir », analyse Tatiana Kastouéva-Jean. Pour contrebalancer des victoires « atteintes à un prix humain exorbitant », Vladimir Poutine « essaie donc d’activer ce levier de pression à la fois sur les Ukrainiens et l’Occident », poursuit-elle.
Le président russe est ainsi désireux de faire passer un message à l’Occident : la résistance et le soutien de l’Ukraine ne font que prolonger les souffrances de la population et font de l’Ukraine un gouffre financier.
Les conséquences, si l’objectif de la Russie est atteint, pourraient être dramatiques. « Sur le long terme, c’est l’épuisement financier de l’Ukraine qui est en jeu, mais aussi celui de ses soutiens », développe Isabelle Dufour. Le jour où l’armée ukrainienne n’aura plus de quoi défendre son ciel, « ça sera la catastrophe, prédit-elle. Les Russes pourront faire ce qu’ils veulent et on sera face à deux options finales : l’effondrement de l’Ukraine ou la négociation désastreuse, avec à la clef la perte des territoires conquis », dont une partie du Donbass oriental et la Crimée.
D’autant que la différence de coût est conséquente : quand la Russie envoie un drone Shahed de fabrication iranienne estimé à 20.000 euros, un seul missile Patriot utilisé par Kiev pour le détruire coûte 3,80 millions d’euros, selon les données du Center for Strategic and International Studies (CSIS).
La résilience ukrainienne mise à l’épreuve
Mais après presque deux ans de guerre, ces attaques venues du ciel ne semblent pas, ou moins, atteindre le moral de la population.
Par rapport à l’hiver dernier, où toute une partie du pays s’éclairait à la chandelle et ne pouvait se chauffer à cause des dommages causés aux infrastructures énergétiques, les Ukrainiens sont « mieux armés, tant avec des générateurs électroniques qu’avec le savoir-faire de réparations rapides », rapporte Tatiana Kastouéva-Jean. « L’expérience de l’année dernière a prouvé que les bombardements des infrastructures ukrainiennes n’ont pas brisé la résilience », ajoute-t-elle.
La résistance pourrait même en sortir plus forte, les Ukrainiens plus soudés et « unis derrière le président Zelensky », avance Tatiana Kastouéva-Jean. Les Ukrainiens ne pourront toutefois pas s’en sortir seuls. L’Occident, qui « a commencé à éprouver une fatigue ukrainienne », selon les termes de la spécialiste, devra redoubler d’effort pour soutenir l’effort de guerre.
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