08
jan
2023
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Marc JULIENNE, interrogé par Lauriane Nembrot pour TV5 Monde

Malgré la levée de la quarantaine obligatoire, “on est loin de la fin du Covid en Chine”

La Chine a mis fin à toutes les restrictions sanitaires de sa stratégie zéro Covid-19 en vigueur dans le pays depuis mars 2020. Une décision qui inquiète de nombreux observateurs, alors que Pékin fait face à un rebond épidémique sans précédent. En réponse, des pays ont pris des mesures sanitaires à l’encontre des voyageurs en provenance de Chine, notamment pour se prémunir d’une nouvelle pandémie.

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C’était la dernière mesure sanitaire en vigueur en Chine dans le cadre de la stratégie dite du “zéro covid”. À compter du dimanche 8 janvier 2023, la quarantaine obligatoire imposée à tous les voyageurs à leur arrivée sur le sol chinois est suspendue. Cette ultime restriction vient s’ajouter aux précédentes mesures progressivement levées par Pékin. 

Dès le mois de décembre, la Chine a mis fin aux confinements de milliers de personnes décidés du jour au lendemain en cas de dépistage positif au Covid-19. Idem pour les dépistages aléatoires obligatoires, les restrictions de déplacement à l’intérieur et en dehors du pays pour toute personne transitant par la Chine. Bref, trois années de restrictions sanitaires parmi les plus draconiennes au monde touchent officiellement à leur fin. 

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Une levée brutale des mesures sanitaires 

Mais “l’assouplissement des restrictions sanitaires s’est fait de manière précipitée et de façon complètement non coordonnée”, décrypte Marc Julienne, qui est lui chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI).

 

Pour lui, “la pression de la rue et les protestations et le fait de mettre en cause le Parti communiste et le président Xi Jinping lui-même a sans aucun doute fait peur au plus haut niveau du pouvoir chinois. Il a pris cette décision en quelques jours à peine”. “Il y a eu le départ massif des employés de l’une des plus grandes entreprises du monde qui est Foxconn, le drame survenu à Urumqi dans le Xinjiang fin novembre qui a fait plusieurs dizaines de morts, les manifestations massives dans tout le pays…”, énumère de son côté Manon Laurent. 

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Levée de bouclier de la communauté internationale

En plus d’un regain de la mortalité en Chine, la levée surprise de l’ensemble des restrictions sanitaires pourrait aussi avoir des répercussions à l’échelle internationale. Face à ce rebond épidémique, plusieurs pays ont décidé de prendre des mesures restrictives à l’encontre des voyageurs en provenance de Chine. En Europe, l'Espagne, le Royaume-Uni, la France en font partie. “C’est surtout parce que les ressortissants chinois sont moins bien vaccinés car ils ne sont vaccinés que par le SINOVAC, un vaccin meilleur pour lutter contre la diffusion de la maladie mais moins efficace pour contrer la dangerosité du virus. Il y a moins d’immunité collective puisque qu'il y a eu plus de confinements”, explique Manon Laurent.

Depuis plusieurs semaines, plusieurs États renforcent les contrôles des voyageurs en provenance de Chine.  Un choix encouragé par la dégradation de la situation sanitaire dans le pays. Il est par ailleurs ppuyé par l’Organisation Mondiale de la Santé, qui juge ces mesures “compréhensibles” en raison notamment du manque de transparence de la Chine sur la gestion de la pandémie.

On a passé la barre des 250 millions de cas pour le seul mois de décembre avec un nombre de morts qui est inconnu et caché par les autorités”, assure Marc Julienne, chercheur et responsable du centre Asie à l’IFRI.

Cette opacité était déjà dénoncée par l’OMS lors des précédents pics de contaminations en Chine. Selon lui, “avec une flambée aussi importante des cas, il est normal que des pays prennent des dispositions préventives pour éviter que de nouveaux variants se diffusent hors de Chine et particulièrement en Europe”.

On a passé la barre des 250 millions de cas pour le seul mois de décembre avec un nombre de morts qui est inconnu et caché par les autorités. Avec une flambée aussi importante des cas, il est normal que des pays prennent des dispositions préventives pour éviter que de nouveaux variants se diffusent hors de Chine et particulièrement en Europe”.

Mais ces mesures sanitaires restrictives sont largement décriées par Pékin, qui parle de pratiques discriminatoires et stigmatisantes. “Il n’en est rien puisque ce ne sont pas des mesures prises contre les ressortissants chinois mais contre toute personne de n’importe quelle nationalité venant de Chine”, rappelle Marc Julienne. “C’est assez logique que les autorités politiques chinoises réagissent publiquement comme cela”, observe de son côté Antoine Bondaz, soulignant qu’il n'y a quasiment plus de test de dépistage du Covid-19 en Chine à l’heure actuelle. “On a dit à la population chinoise qu’il n’y avait plus besoin de se faire tester et là on leur explique qu’il faut se faire tester lorsqu'ils arrivent à l’étranger. Évidemment il peut y avoir une grogne de la population”. 

La crainte d’une nouvelle pandémie mondiale 

Pour Manon Laurent, “il y a encore beaucoup de contamination en Chine à l’heure actuelle." Elle confie même que la plupart de ses contacts sur place "sont actuellement malades, bloqués chez eux en train d’essayer de se soigner. Mais la Chine a arrêté de compter le nombre de morts du covid”. Même analyse pour  Marc Julienne, qui  rappelle que “l’année 2022  a été pire que les années précédentes de pandémie en Chine, au moment où tout le reste de la planète était déjà prémuni contre le virus.”

Les autorités internationales et notamment françaises veulent savoir s’il y a des nouveaux variants. La Chine ne va jamais communiquer dessus. Donc la seule façon de le savoir c'est de tester les gens qui arrivent de Chine”, explique Marc Julienne. “Il y a trois ans, le virus est apparu à Wuhan, la Chine a fait preuve d’une irresponsabilité totale et d’un manque complet de transparence à cette époque en tardant à prendre des mesures. Donc il est normal de vouloir se protéger”. 

La stratégie zéro Covid était plutôt cohérente quand la Chine n’avait pas de vaccin assez efficace contre le Covid”, assure-t-il. “Par contre, c’était idéologiquement criminel puisque la Chine aurait pu acheter à l’étranger des vaccins ARN messager qui ont fait leur preuve dans le reste du monde".

 

>> Retrouver l'article en intégralité sur le site de TV5 Monde.

 

 

Mots-clés
COVID-19 Xi Jinping Chine