20
déc
2016
Espace Média L'Ifri dans les médias
Dorothée SCHMID, interviewée par Virginie Robert, Les Echos.

« Les Russes vont aider à la reprise en main de la Turquie  »

L'assassinat de l'ambassadeur de Russie en Turquie, Andreï Karlov, lundi 19 décembre 2016, n'a pas provoqué de crise diplomatique entre Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine. Au contraire, les deux chefs d'Etat prônent une collaboration encore plus étroite contre le terrorisme.

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Pourquoi la Russie et la Turquie privilégient-elles l'apaisement après l'assassinat de l'ambassadeur russe à Ankara ?

Cet assassinat intervient au moment décisif de la bataille d'Alep où les Turcs ont laissé les mains libres aux Russes. C'est un acte désespéré pour faire dérailler la « Pax » russo-turco-iranienne en Syrie. La Turquie protège le maintien de Bachar al Assad, alors qu'il était son pire ennemi. Elle le fait parce qu'elle cherche de nouvelles alliances et que la Russie et l'Iran deviennent des partenaire de poids dans la région. Les Russes ne remettent pas en cause les dérives autoritaires d'Erdogan. L'économie turque va de moins en moins bien et a besoin des Russes : elle importe massivement de l'énergie de Russie, elle a besoin du marché russe pour y vendre notamment des produits alimentaires, et souhaite le retour des touristes russes. C'est une alliance économique et stratégique puisque, en échange, la Russie laisse aux Turcs le champ libre en Syrie pour contenir les Kurdes.

 

Après les fortes dissensions qu'il y a eu entre les deux pays, et depuis cet attentat, quel est le niveau de confiance entre la Russie et la Turquie ?

Je pense que la relation va être très tendue entre Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan. Ce dernier ne tient pas son pays, comme le prouvent les attentats à répétition. Les Russes vont demander des comptes et aider à la reprise en main en s'immisçant dans les questions de sécurité. Quand on y pense, cet attentat est un cafouillage monstrueux quand on connaît l'ampleur des purges qui ont eu lieu dans la police, les services et l'armée en Turquie. Il y a encore des oppositions cachées au coeur même du système, des gens prêts à agir de façon violente à tout moment.

 

Peut-on croire à la théorie d'un complot monté par Gülen, l'ennemi désigné d'Erdogan ?

C'est toujours le même scénario. Cela montre surtout un besoin d'explication simple, qui marche bien auprès de l'opinion publique turque. Mais il faut aussi observer l'apparition en Turquie d'un islamisme radical que le gouvernement a du mal à contrôler. Il y a en Turquie des communautés en sympathie avec des groupes syriens et dont la sujétion à l'AKP n'est pas évidente. Russes et Turcs ont trouvé une ligne rhétorique commune : la guerre contre le terrorisme. Or, qu'il s'agisse du PKK, de Daech, de l'extrême-gauche ou de Gülen, la Turquie ne vient pas à bout du terrorisme ; on a plutôt le sentiment qu'Erdogan en crée au fur et à mesure.

 

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