23
oct
2017
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Sabine JANSEN

Les boîtes à idées de Marianne. Etat, expertise et relations internationales en France Paris : Les éditions du Cerf, 2017

On compte aujourd’hui dans le monde plus de 7 000 think tanks, littéralement « réservoirs à idées », très présents dans le débat public.  Incubateurs d’idées, dont la mission est d’analyser, d’anticiper et de proposer pour servir les décideurs, les think tanks sont aussi accusés de fabriquer l’opinion.

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Le premier think tank en France, le Centre d’études de politique étrangère (CEPE), ne voit le jour qu’en 1935 grâce à l’argent de la Fondation Rockefeller sur le modèle des organismes britannique et américain, créés dès le début des années vingt. Outil diplomatique d’un nouveau genre, le CEPE se veut une émanation de la société civile au service de la paix et du dialogue international.

Alors que la Société des Nations multiplie les échecs, le CEPE, attirant de nombreuses personnalités va tenter, à sa façon, d’enrayer la marche à la guerre, cherchant à promouvoir, par exemple, la fameuse union franco-britannique proposée par Jean Monnet et De Gaulle à Churchill en 1940. Le CEPE renaît après la Libération et sert sous la IVe et la Ve Républiques de bureau d’études pour l’exécutif, épaulant Matignon puis l’Elysée, De Gaulle l’utilisant pour lancer des ballons d’essai, comme le retrait du commandement de l’OTAN. 

A bout de souffle et déficitaire, le vieux Centre, qui n’est pas parvenu à fusionner avec Sciences Po, devient une cible à partir de 1974 pour les équipes giscardiennes au pouvoir. En 1978, Thierry de Montbrial, le chef du Centre d’analyse et de prévision du Quai d’Orsay, part à la conquête du CEPE, considéré en pleine guerre UDF-RPR comme un bastion gaulliste incapable, de surcroît,  de relever les défis de la mondialisation et de répondre aux nouveaux besoins des décideurs économiques et politiques. Des opérations politiques complexes, révélatrices du fonctionnement de l’Etat en France, aboutissent finalement à la création de l’Institut français des relations internationales (IFRI). La conjoncture de la nouvelle Guerre froide sert les ambitions de l’IFRI et celles des jeunes atlantistes, comme Pierre Lellouche et Dominique Moïsi, qui secondent Thierry de Montbrial. L’IFRI s’efforce de dessiner un champ d’action spécifique en direction de l’Etat et surtout, innovation majeure, des entreprises, combinant aide à la décision, animation du débat, opération de relations publiques et travaux de recherche. La question de son indépendance à l’égard du pouvoir, d’emblée cruciale compte tenu de ses origines giscardiennes et de son domaine d’exercice régalien, prend un tour aigu avec l’élection de François Mitterrand en mai 1981. L’épreuve de l’alternance est suivie d’une crise de leadership, l’une et l’autre surmontées. Exprimant une voix française qui n’est pas la voix de la France, l’IFRI doit adopter, sous peine de perdre tout crédit, une posture délicate faite de distance et de proximité à l’égard de l’appareil politico-administratif. Son histoire est une success story puisqu’en 2016, il a été classé 3e think tank le plus influent dans le monde. Produits d’importation anglo-américains, difficilement acclimatés en France et toujours objets de critiques et de fantasmes, les think tanks sont bien les enfants d’une histoire et d’un terreau national.

L’Auteur

Diplômée de Sciences Po, agrégée et docteure en histoire, habilitée à diriger des recherches, Sabine Jansen est maître de conférences au Conservatoire national des arts et métiers à Paris, chercheuse au Laboratoire interdisciplinaire des sciences de l'action et vice-présidente du Comité d’histoire parlementaire et politique. Elle a notamment publié Les Grands discours parlementaires de la Quatrième République. De Pierre Mendès France à Charles de Gaulle (Armand Colin/ Assemblée nationale, 2006) et Pierre Cot. Un antifasciste radical (Fayard, 2002).

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Mots-clés
Think tanks
ISBN / ISSN: 
ISBN : 9782204120418