Publié le 06/04/2016

Groupe de réflexion franco-allemand, composé de spécialistes des relations franco-allemandes et se réunissant sous l'égide du Cerfa (Ifri) et de la fondation Genshagen.  

La construction de la zone euro s’est arrêtée à mi-chemin. La France et l’Allemagne doivent donc briser les tabous et impulser un nouveau dialogue sur le futur de l’Union monétaire.

Après les querelles autour de la dette grecque et la menace d’un Grexit à l’été 2015, le débat sur l’euro s’est apaisé. La crise de l’euro ? Terminée. Les réformes les plus importantes seraient actées et il ne resterait plus qu’à les mettre en œuvre. Nombreux sont ceux qui le pensent, à Paris ou à Berlin.

Ces signes d’apaisement sont trompeurs. La Grèce n’est pas encore sortie d’affaire, et le risque d’une sortie de la zone euro demeure. Et c’est désormais la Grande-Bretagne qui menace de faire vaciller la zone euro en amont du référendum annoncé sur le maintien du pays dans l’UE (Brexit). Au sommet européen de février, Londres a réussi à obtenir des garanties pour le secteur financier britannique, sans pour autant s’engager à une solidarité avec les membres de l’Union monétaire.

Les pays de la zone euro auraient tort de croire qu’ils peuvent profiter d’un répit en attendant des jours meilleurs. Les débats suscités par le scénario d’un Grexit ou d’un Brexit montrent que les questions fondamentales sur l’avenir de l’euro ne peuvent attendre l’après-2017, l’après-élections en France et en Allemagne. S’ajoutent à cela l’enlisement des réformes dans de nombreux pays de la zone euro, le taux de chômage élevé, la croissance atone, et le fait que dans ces deux derniers domaines, la zone euro affiche des résultats inférieurs à la moyenne européenne, toujours derrière ceux des États-Unis. La prudence reste donc de mise.

Si les sondages montrent que le sentiment général des citoyens de la zone euro vis-à-vis de la monnaie unique est plutôt positif, beaucoup s’interrogent sur ses réels bénéfices, et ne comprennent pas pourquoi seule une petite partie des engagements pris lors de son introduction a pu être concrétisée. Pourquoi la promesse du plein-emploi et de la prospérité pour tous n’a-t-elle pas été tenue ? Pourquoi les réformes traînent-elles ? Pourquoi les règles ne sont-elles pas respectées ? La zone euro pourra-t-elle survivre à une nouvelle crise financière et bancaire ? L’épargne y est-elle vraiment en sécurité ?

Pour les experts, l’Union économique et monétaire reste aussi un projet très controversé. Elle n’a produit ni la convergence économique annoncée dans le traité de Maastricht, ni la prospérité pour tous promise par Bruxelles. Le fossé qui sépare les économies de la zone euro se creuse, et en dépit des efforts considérables de ces dernières années, le décrochage des pays d’Europe du Sud menace de se pérenniser. Le Portugal, l’Espagne, l’Italie sont sous pression : au plan financier, mais également politique.

Sur le plan économique, la France, elle aussi, bat de l’aile. Beaucoup de Français croient que la monnaie unique profite seulement à l’Allemagne. Tandis qu’en République fédérale, nombreux sont ceux qui estiment que les autres membres de la zone euro profitent de l’argent allemand, et ne font pas assez d’efforts pour venir à bout de la crise. Construction inachevée, l’Union économique et monétaire ne satisfait réellement personne.

Ces interrogations, la France et l’Allemagne doivent les prendre au sérieux, pour leur apporter des réponses. Ayant été à l’origine de l’euro, et en première ligne des efforts considérables fournis depuis 2008 pour éviter son implosion, elles ont une responsabilité commune. Paris et Berlin doivent renouer le dialogue et aborder – en incluant leurs partenaires – les questions de fond, afin de définir des objectifs clairs pour sortir l’UEM renforcée de la crise.

Or, au lieu de parler ouvertement des problèmes – dus en partie aux insuffisances de la gouvernance de la zone euro, mais aussi aux choix politiques de Paris et Berlin –, les deux capitales tentent de gagner du temps, et renvoient à 2017 les problèmes structurels et le lancement de nouvelles réformes. Agissant ainsi, les deux pays manquent à leur rôle historique de pionnier de l’intégration, s’effacent comme « moteur », et encourent de sérieux risques.

Au premier chef celui d’une « défaillance technique » en Grèce, mais aussi le risque d’une incompréhension croissante au sein de la relation franco-allemande, et dans des populations de plus en plus sceptiques. Et le mauvais calcul pourrait se solder par un retour de bâton cuisant lors des élections de 2017.

Imaginer et organiser l’avenir

Face à ce danger, le groupe de réflexion franco-allemand appelle Paris et Berlin à reprendre le dialogue sur l’avenir de la zone euro. Contributions franco-allemandes ou réformes proposées par les institutions européennes : les analyses et pistes d’action ne manquent pas.

Pour que l’Union monétaire fonctionne à moyen terme, on distingue, pour simplifier, deux options.

Première option : plus d’intégration sur la voie d’une réelle Union monétaire, avec comme corollaire des politiques communes : budgétaire, fiscale, économique et éventuellement sociale. Un tel « saut quantique » mènerait à une union politique, et nécessiterait la création d’un gouvernement économique européen. Concrètement, cela signifie par exemple que la zone euro serait dotée d’une capacité budgétaire propre, d’un parlement et d’un ministère des Finances. De nouveaux mécanismes pour fonder la légitimité démocratique seraient également nécessaires.

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