Publié le 23/09/2016

Françoise NICOLAS, citée par Sébastien Falleti dans Le Figaro

Pékin a lancé un avertissement menaçant à l'Union européenne et demande à Bruxelles d'accorder à la Chine le statut d'économie de marché d'ici à la fin de l'année.

Impérieux, le dragon chinois sort ses griffes. En imposant des droits de douane allant jusqu'à 46% contre certains aciers européens, accusés de dumping, Pékin a lancé un avertissement menaçant à l'Union européenne (UE), le 24 juillet. Si Bruxelles ne reconnaît pas à la Chine le statut d'économie de marché (SEM) d'ici à la fin de l'année, comme elle le réclame, des représailles suivront. Pour les dirigeants de la seconde économie mondiale, ce statut est un objectif stratégique, et un refus de l'Europe serait perçu comme un affront. « C'est un dossier sensible, car il dépasse l'enjeu économique avec une portée politico-symbolique forte. Ce statut serait une reconnaissance que la Chine fait désormais partie de la cour des grands. C'est comme les Jeux olympiques ! » analyse Françoise Nicolas, directrice au Centre Asie de l'Ifri.

Quinze ans après son accession à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), la reconnaissance de son statut d'économie marchande par les grandes puissances comme l'UE et les Etats-Unis serait une nouvelle étape du retour au premier plan du géant émergent. Un enjeu d'autant plus important pour le Parti, à l'heure ou les investisseurs étrangers, mais également la population, doutent des perspectives économiques du mastodonte dont la croissance est tombée à son niveau le plus bas depuis vingt-cinq ans. Déjà, l'an dernier, le régime avait mis les bouchées doubles pour arracher l'entrée du yuan au sein des DTS, le panier de monnaies du FMI, à côte du dollar et de l'euro, du yen et de la livre Cette intégration symbolique sera effective le 1er octobre.
 

Relation d'interdépendance

La bataille du SEM s'inscrit dans la même perspective, mais s'annonce plus ardue, alors que les Etats-Unis s'opposent frontalement, via l'OMC, aux demandes de Pékin, pointant du doigt ses promesses non tenues en matière d'ouverture. Fidèle a ses habitudes, la Chine met la pression sur l'UE, misant sur ses divisions internes, qui lui permettent de contourner Bruxelles en intervenant directement auprès des capitales. «Ils misent sur la menace pour remporter la partie. Car les Européens ont tendance à penser qu'ils ont plus besoin de la Chine que l'inverse. En réalité, il y a une interdépendance. Et le risque de guerre commerciale est exagéré », juge Françoise Nicolas.

Le régime chinois n'a pas intérêt à un conflit majeur avec son premier partenaire commercial à l'heure où son économie est engagée dans une transition délicate qui nécessite des transferts de technologies. Les dirigeants chinois savent que le temps est compté pour engranger des gages, alors que la vague populiste pousse à un retour du protectionnisme sur le Vieux Continent et que le Brexit a semé le trouble à Pékin, privant la Chine d'un allié favorable à l'ouverture.
 

Article paru dans Le Figaro [1]