Publié le 05/07/2017

Tristan COLOMA, Leslie FAUVEL

Avec une décennie de croissance économique supérieure à 7 % par an en moyenne et un régime stable dominé par un seul parti (le Front de libération du Mozambique, Frelimo) depuis la fin de la guerre civile en 1992, le Mozambique était présenté jusqu’à une date récente comme un des succès économiques du continent africain.

La politique néolibérale a semblé porter ses fruits au début du XXIe siècle et a même été renforcée par le destin avec la découverte d’énormes réserves de gaz au large des côtes mozambicaines (5,6 trillions de mètres cubes) au tournant des années 2010. La dynamique de l’économie mozambicaine devait être considérablement amplifiée par cette nouvelle source de richesse et le pays était présenté comme un nouvel eldorado africain pour les investisseurs étrangers.

Mais plus de dix ans de success story économique ont soudainement été remis en cause en avril 2016 après les révélations d’emprunts de 2 milliards de dollars contractés dans le secret par les plus hautes instances du pays. La dissimulation très maladroite de ces emprunts a provoqué un scandale international et conduit le pays dans une crise financière du fait du brutal surendettement entraînant des réactions/sanctions immédiates du marché et des bailleurs. Derrière les entreprises publiques de droit privé ayant contracté ces emprunts, un même responsable : le Gestão de Investimentos, Participações e Serviços (GIPS), une émanation des renseignements mozambicains (SISE), dont la supervision revient au ministère de l’Intérieur. Ce scandale révèle les dessous du succès économique mozambicain : des privatisations opaques profitant à nombre de dignitaires du régime, tolérées par les institutions de Bretton Woods. Ainsi, en 1996, lorsqu’il était gouverneur de la Banque centrale, l’actuel ministre de l’Économie et des Finances, Adriano Maleiane, dubitatif quant à la privatisation des deux banques d’État, s’était vu répondre par les émissaires de la Banque mondiale et du FMI qu’une privatisation corrompue valait mieux que l’étatisation. L’acceptation habituelle des dérives financières de l’establishment mozambicain a fini par le rendre trop confiant et l’a conduit à un montage financier qui remet en cause le modèle de croissance de son économie.

Pour sortir de l’impasse, un plan de restructuration de la dette est à l’étude avec le FMI et le gouvernement compte sur l’assistance de certains pays émergents. Si au niveau économique les vertus de cette stratégie restent à démontrer, au niveau politique le parti au pouvoir est clairement perdant en termes de crédibilité auprès des partenaires internationaux et de la population mozambicaine. Cette crise financière augmente nettement le degré d’incertitude à moyen et long termes et donc le risque politique du Mozambique. En décryptant les intérêts impliqués derrière ce scandale, cette note met en lumière la confusion des intérêts du pays et des intérêts privés de ses caciques.