Publié le 02/08/2017

Françoise NICOLAS, interviewée par Maud Calvès pour La Dépêche
Le groupe chinois Fosun fait partie des cinq groupes emblématiques de la percée chinoise à l’international. Il s'associeavec son compatriote Sanyuan pour racheter l’entreprise française d’agroalimentaire Saint Hubert à l'actuel actionnaire, le groupe britannique Montagu Private Equity. Décryptage par Françoise Nicolas, directeur du Centre Asie de l'Ifri.
 
 

Pourquoi le consortium s'est-il intéressé à l'entreprise St Hubert ?

Je ne vois pas d'autre explication que l'intérêt financier. Ces deux entreprises ont vu qu'il y avait du capital de disponible, l'investisseur précédent s'est dit que c'était une bonne affaire. Mais les motivations des deux entreprises qui ont acheté cette entreprise ne sont pas les mêmes. L'un, Sanyan, est spécialiste de l'agroalimentaire et souhaite acheter une entreprise dans leur cœur de métier pour acquérir une marque et un savoir-faire. Il s'agit d'une logique similaire à celle des autres entreprises à l'international. L'autre, Fosun, est présent sur une multitude de secteurs (immobilier, culturels…), ils ont une dynamique agressive. Ils veulent sûrement essayer de revendre leur part. Sanyan s'inscrira dans la durabilité, ce qui n'est pas le cas de Fosun.

La Chine se place dans de nombreux secteurs économiques français…

C'est vrai. Mais cette impression de «conquête chinoise» fait simplement partie d'une tendance. La Chine a beaucoup de retard sur les investissements en France, face à l'Allemagne ou l'Italie par exemple. En ce moment, la dynamique est plus agressive mais en termes de niveau, l'importance des investissements chinois en France reste marginale, bien que la tendance soit très forte. C'est normal que ces entreprises souhaitent s'internationaliser.

Y a-t-il un risque de délocalisation de l'entreprise ou de licenciement des salariés ?

Je ne pense pas. La volonté principale c'est d'accéder au marché français. Officiellement, le consortium garde le management, ce qui est rationnel de leur part car dans le passé, les cas dans lesquels l'équipe existante a été remplacée par des salariés chinois se sont soldés par des échecs. En revanche, lorsque les salariés ont été conservés, les entreprises ont prospéré.

S'agit-il d'un manque de protectionnisme de la part de la France ?

Le gouvernement fait autant de protectionnisme avec la Chine qu'avec les autres entreprises étrangères. Mais l'État surveille de très près tous les investissements touchants à des secteurs sensibles : militaire, technologique, sécurité nationale… En l'occurrence, le marché de la margarine ne relève pas de l'enjeu national.

 

Voir l'interview sur le site de La Dépêche [1]