Publié le 29/08/2017

Corentin BRUSTLEIN, interviewé par Yves Bourdillon pour Les Echos

Pyongyang relance la crise par un tir au-dessus du Japon. La Corée du Nord poursuit ses actions d’intimidation avec des missiles. La communauté internationale est inquiète à divers degrés mais impuissante.

Ce premier tir de missile balistique au dessus du Japon constitue-t-il une rupture stratégique ?


Non, même si c'est un développement important, c'est avant tout une escalade diplomatique nette. En termes techniques, ce test ne constitue pas une démonstration d'avancée notable de Pyongyang. Mais le tir illustre l'ambition de la Corée du Nord, qui continuer à étoffer et a crédibiliser sa capacité balistique, en testant ses différents modèles selon des trajectoires et des portées variées.

La trajectoire tendue du tir, là où les tests précédents avaient suivi des trajectoires courbes, fournit aussi des indications précieuses et complémentaires sur la phase de rentrée dans l'atmosphère, qui sont cruciales dans l'optique d'installer une ogive nucléaire au sommet des missiles. Si tant est que Pyongyang ait pu collecter ces données par télémétrie ou en récupérant des composants du missile, ce qui n'est pas avéré. Pyongyang n'a donc toujours pas de capacité nucléaire de portée intercontinentale opérationnelle, mais continue de progresser dans cette voie.



Quelle est alors la signification de ce test  ?

Il s'agit pour Pyongyang de démontrer qu'il se joue des avertissements, de son isolement international, de toutes les sanctions imposées par les Nations-Unies, y compris récemment, et se permet de franchir les lignes rouges fixées par Washington. La Corée du Nord sait qu'en survolant le territoire japonais elle intensifie la pression sur l'alliance nippo-américaine sans s'exposer lourdement en retour, Washington voyant ses options de réponses très contraintes.



Et qu'en est-il des réponses possibles du Japon  ?

Le premier tir de missile balistique nord coréen à avoir survolé le Japon en 1998 avait traumatisé et durablement marqué Tokyo et Washington, et avait joué un rôle structurant dans l'intensification des efforts de développement des systèmes de défense antimissile. Tokyo n'a pas cherché à intercepter le missile tiré ce mardi matin parce qu'il a jugé que la trajectoire n'était pas menaçante et n'a pas voulu porter la responsabilité d'une escalade, ce geste pouvant être considéré comme hostile par Pyongyang. Pour la Corée du nord, il s'agissait donc d'une démonstration de force qui la rapproche d'une capacité de dissuasion nucléaire, qui est son objectif ultime, tout en démontrant la faible marge de manoeuvre de ses adversaires pour l'empêcher d'y parvenir.

 

Lire l'interview sur le site des Echos [1]