Publié le 30/11/2017

Victor MAGNANI, interviewé par Pierre Cochez pour La Croix

Victor Magnani, chercheur du programme Afrique de l’Institut français des relations internationales (IFRI), revient sur l’échange entre les étudiants burkinabés et le président français le 29 novembre, pour la première étape de sa tournée africaine.

La Croix : Que pensez-vous sur la forme de la rencontre entre Emmanuel Macron et les étudiants burkinabés, mardi 28 novembre à l’université de Ouagadougou ?

Le président français s’est prêté à un exercice assez libre et qui n’était pas simple. Il a eu à répondre, par exemple, à des questions sur le Franc CFA ou la colonisation. Le choix du Burkina Faso pour cette première étape n’était pas anodin. Il saluait ainsi des mobilisations citoyennes efficaces qui ont défendu la démocratie récemment avec le mouvement du « balai citoyen ». Le choix de parler dans une université pour un message à la jeunesse voulait marquer une rupture. La France ne s’adresse pas forcément aux élites, mais aussi à des jeunes. Ces jeunes ne sont pas forcément des privilégiés. Ils peuvent avoir accès à l’université, mais pas nécessairement à un emploi.

Dans son échange avec les étudiants, le président français a mis en avant la dimension générationnelle évidente entre lui et son auditoire. Ni lui, ni les étudiants n’ont vécu l’histoire coloniale de la France. Son parti, la République en marche, n’a pas eu le temps d’avoir des liens étroits avec des dirigeants africains, comme cela avait été le cas pour Les Républicains ou le Parti Socialiste.

Est-ce qu’Emmanuel Macron est en phase avec la jeunesse africaine ?

Il peut être une sorte de modèle pour la jeunesse africaine. Pendant longtemps, la réussite sociale passait par un emploi public. Ce n’est plus le cas, à l’heure des ajustements budgétaires voulus par les bailleurs internationaux. Les nouveaux modèles pour la jeunesse passent par le privé, les start-up, les opérateurs de téléphonie, les sportifs ou encore les religieux. Être pasteur, par exemple, peut devenir un moyen d’ascension sociale.

Ceci dit, le président français n’a pas fait d’annonces majeures. Il a réaffirmé l’importance des liens économiques et peu parlé de la présence militaire française. L’angle mort de ses prises de parole me paraît être la démocratie. Il aurait pu insister davantage sur la puissance de la rue, la force des mobilisations collectives pour réclamer plus de démocratie.

A-t-il un discours neuf sur les migrants africains ?

Le président Macron a abordé le problème des migrants lors du sommet entre l’Union Européenne et l’Union Africaine. Le fait de vouloir déplacer les frontières de l’Union Européenne au-delà de la Méditerranée est sujet à discussions. D’une manière générale, les dirigeants européens envisagent la question migratoire d’un point de vue sécuritaire et non sous l’angle des droits de l’Homme.

Emmanuel Macron est peu loquace sur la condition des migrants, dans leurs traversées de la Méditerranée comme dans leur détention en Libye. Les dirigeants africains s’expriment eux-mêmes très peu pour les défendre. Ces dirigeants ne sont pas capables de se mobiliser sur les questions migratoires.

 

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