Publié le 03/12/2017

Barbara KUNZ, citée dans Le Point (source AFP)

Face à son imposant voisin russe, qui suscite toujours la méfiance dans le pays, la Finlande cherche davantage un ancrage à l'Ouest. Dans un contexte de tensions croissantes entre la Russie et les capitales occidentales, la Finlande revendique plus que jamais son ancrage à l'Ouest face à son puissant voisin alors que le pays a déclaré son indépendance il y a un siècle.

Les relations finno-russes, maintenues tant bien que mal au prix d'un patient travail d'orfèvrerie diplomatique, ont été mises à l'épreuve par l'annexion de la Crimée en 2014 par Moscou et le regain d'activités militaires en zone baltique. Tout comme la Suède, le Danemark, les pays baltes et la Pologne, la Finlande a entrepris ces dernières années de moderniser son armée et a multiplié les initiatives pour se rapprocher, sans adhérer, de l'Otan.
 

Les éléments de langage politiques demeurent, eux, à tout le moins prudents à l'endroit de la Russie, cinquième partenaire commercial du pays nordique. « Nous sommes prêts à nous défendre, mais nous ne spéculons pas sur la nature du conflit, ni les pays », élude le ministre finlandais des Affaires étrangères, Timo Soini, dans un entretien à l'Agence France-Presse. « Nous sommes deux nations indépendantes et nous ne nous demandons pas la permission » avant de prendre telle ou telle orientation stratégique, ajoute-t-il.

Indépendance à la fin de la Première Guerre mondiale

Après avoir été suédoise pendant six siècles, jusqu'en 1809, puis Grand-Duché russe jusqu'en 1917, la Finlande n'a acquis son indépendance qu'à la fin de la Première Guerre mondiale, après la chute de l'empire tsariste russe. Reconnu indépendant par l'URSS en 1918, le pays nordique a dû de nouveau combattre « ce grand voisin » pendant l'hiver 1939-1940, puis de juin 1941 à septembre 1944, afin d'éviter d'être occupé par les communistes. Le traité de Paris en 1947 a reconnu la défaite de la Finlande à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et le pays a dû payer d'importantes dettes de guerre à l'URSS et lui rétrocéder définitivement 10 % de son territoire, en particulier la Carélie orientale (est).
 

Le coût humain et territorial de ces conflits reste très présent dans la mémoire collective des 5,5 millions de Finlandais. Un vieil adage dit ici : « Rien de bon ne vient de l'est, sinon le soleil ».

  • « Du point de vue finlandais, la Russie n'est pas une vraie menace mais, disons, un grand voisin dont on se méfie toujours un peu, et avec lequel on a un passé commun qui n'a pas toujours été facile », résume Barbara Kunz, spécialiste des pays nordiques à l'Institut français des relations internationales (Ifri).
     

Soucieux de ne pas réveiller l'ogre russe, les dirigeants finlandais s'abstiennent de toute critique publique pendant la guerre froide, une réserve théorisée sous le terme de « finlandisation ». La dislocation de l'Union soviétique en 1991 change la donne. Tout en demeurant militairement non alignée, la Finlande rejoint rapidement le bloc européen (1995), puis abandonne son markka au profit de l'euro (2002). La frontière finlando-russe est dès lors la plus longue (1 340 km) que partagent l'Union européenne et la Russie. Grâce à son ancrage occidental, la Finlande entend s'assurer un « bouclier » diplomatique et sécuritaire. « La Finlande fait partie de l'Ouest et elle a besoin du pouvoir de l'Ouest afin d'assurer la stabilité vis-à-vis de la Russie », analyse ainsi Markku Kivinen, directeur de l'institut Aleksanteri à Helsinki
 

  • "On ne sait jamais ce qui peut se passer avec la Russie"

Contrairement aux pays baltes, qui n'ont recouvré leur indépendance qu'au début des années 1990, la Finlande n'entend pas pour autant franchir le Rubicon et adhérer à l'Alliance atlantique, tant elle craint la réaction russe. D'après un dernier sondage publié fin novembre par la télévision publique Yle, seuls 22 % des Finlandais ont une bonne opinion de l'Otan (- 3 points en un an). La doctrine de non-alignement militaire fait consensus dans le pays. « Nous devons rester indépendants. On ne sait jamais ce qui peut se passer avec la Russie », témoigne Heini Vahtera, une trentenaire vivant à Helsinki. Une adhésion « susciterait une réaction assez brutale de la part des Russes », prévient Jean de Gliniasty, spécialiste de la Russie à l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) et ancien ambassadeur de France à Moscou.
 

Une source diplomatique proche de l'Otan assure que voir la Finlande rejoindre l'organisation serait de toute façon purement symbolique puisque le pays a rejoint son partenariat pour la paix en 1994 et a participé à ses opérations conjointes dans les Balkans et en Afghanistan notamment. À Moscou, on fait observer que la Russie a été largement associée aux célébrations du centenaire de l'indépendance, le 6 décembre prochain. Venu en juillet avec le Bolchoï, le président Vladimir Poutine s'était félicité auprès de son homologue Sauli Niinistö de la qualité de leur « dialogue politique ».

 

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