Publié le 23/03/2005

Franck FREGOSI, Malika ZEGHAL

Quel est le devenir des relations entre politique et religion dans un pays comme le Maroc où le roi est constitutionnellement défini comme "commandeur des croyants"? La même question paraît également pertinente pour la Tunisie, réputée pour sa "laïcité" et son particularisme en termes de gestion du religieux.

Mais si Bourguiba croyait à la prééminence de la raison, pouvant être perçu comme un authentique laïque, l'État tunisien, de l'indépendance à aujourd'hui, n'a jamais été laïc. Même les actes les plus audacieux dans le cadre de la réforme, comme le CSP (Code du statut personnel), ont été accompagnés de justifications à partir d'une interprétation libérale de la loi religieuse.

Durant les dix dernières années de son règne, nous avons constaté une modification du rapport de force au sein du système politique profitant au religieux et qui s'est traduite par une répression des islamistes qui se prolongera après 1987. Au Maroc, Mohamed V comme Hassan II ont tenté de construire une communauté musulmane des sujets de sa Majesté. Une fois l'indépendance acquise, la monarchie a oeuvré pour s'approprier la gestion de l'islam. Hassan II voulait à la fois conserver une mainmise sur la sphère religieuse dont son pouvoir tirait une légitimité tout en l'affaiblissant pour éviter qu'elle ne puisse constituer une tribune concurrente. Ce faisant, il fragmenta le champ religieux qui devint difficilement maîtrisable dans le cadre d'une ouverture politique.

Avec l'émergence et l'intégration politique d'une partie des islamistes et la dilution du religieux au-delà des institutions contrôlées par l'État, la monarchie aurait-elle perdu son statut "d'unique institution religieuse légitime" ?