Publié le 04/11/2008

Thierry VIRCOULON, Sylvain TOUATI

Synopsis : A la tête de l'Afrique du Sud depuis 1999, Thabo Mbeki a été contraint de démissionner le 21 septembre 2008 avant la fin de son mandat et après avoir perdu la confiance de son propre parti, l'ANC. Cette démission survient dans un contexte économique et social qui s'est obsurci cette dernière année en Afrique du Sud.


Sylvain Touati : Pouvez-vous revenir sur la destitution éclair du président Thabo Mbeki et son remplacement par Kgalema Motlanthe ? Comment en est-on arrivé à la destitution du président Mbeki ? Comment les événements se sont-ils précipités ces derniers mois ?

Thierry Vircoulon [1] : En fait, cette destitution est la conséquence plus générale d'une lutte de pouvoir entre Thabo Mbeki et Jacob Zuma. Cette lutte avait tourné d'abord à l'avantage de Mbeki et a fini par tourner à l'avantage de Zuma pour des raisons de dynamismes internes à l'ANC.

C'est le résultat d'une assez longue saga judiciaire qui a débuté en 2005 quand le vice-président Jacob Zuma fut démis de ses fonctions par le président Thabo Mbeki [2]. Par la suite, Zuma fut accusé respectivement de viol et de corruption. Dans le cadre de l'affaire de viol, Zuma fut acquitté en 2006. L'affaire de corruption [3] est antérieure à celle de viol mais vient juste de trouver sa conclusion au mois de septembre par un non lieu.

L'élément accélérateur du départ de Thabo Mbeki est que, dans son verdict de septembre, le juge Chris Nicholson a signalé que la magistrature avait fait l'objet de pressions de la part de l'exécutif. S'emparant de cette déclaration publique du magistrat, le National Executive Committee, qui est le comité dirigeant à l'ANC, s'est prononcé pour un recall de Thabo Mbeki de ses fonctions présidentielles, signifiant que le parti lui retirait sa confiance. Celui-ci a accepté d'abandonner la présidence à partir du moment où la voie constitutionnelle était respectée.

ST : Pourquoi a-t-il fallu destituer Mbeki ? Pourquoi n'y a-t-il pas eu de gentleman agreement pour le laisser finir son mandat ?

TV : Ce qui a ulcéré le camp Zuma, c'est qu'après le jugement de septembre, la National Prosecuting Authority (NPA) a annoncé son intention de faire appel du jugement de non lieu. C'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Il a été considéré que la présidence allait trop loin dans son instrumentalisation de la NPA et ce depuis le début de la saga judiciaire. Le prétexte idéal étant cette phrase du juge sur les pressions de l'exécutif sur les magistrats. Cette remarque montre la pression mise sur les juges de la part des autorités depuis le début de cette affaire et cette fois-ci le juge, à titre individuel, a voulu marquer le coup.

ST : Comment expliquez-vous que Thabo Mbeki ait perdu le soutien de l'ANC lors de la conférence de l'ANC de décembre 2007?

TV : En fait, depuis 1999 et son arrivée au pouvoir, la controverse politique ne porte pas seulement sur la politique économique de Thabo Mbeki mais sur sa personnalité même. Il a toujours été une personnalité politique très controversée. Tout d'abord, il faut se rappeler qu'il est arrivé à la présidence en 1999 après avoir été au coude à coude avec Cyril Ramaphosa lors de la conférence nationale de l'ANC de Mafikeng en 1997. D'ailleurs, Ramaphosa avait la faveur de Nelson Mandela [4]. Mais Thabo Mbeki a réussi à prendre l'avantage grâce à sa connaissance du parti et au poids de ses soutiens [5].

Après sa prise de fonction, Mbeki a pris des options politiques qui n'étaient pas partagées par tout le monde au sein de l'ANC. Il a eu un style de leadership très autoritaire et un peu paranoïaque, qui, au début, a surpris beaucoup de personnes puis, par la suite, lui en a aliéné beaucoup d'autres.

A cette époque, il s'était allié avec Jacob Zuma. Il est allé chercher Zuma lorsque celui-ci était encore un populaire ministre provincial du Kwazulu-Natal. Thabo Mbeki en a fait son vice-président [6] de 1999 à 2005 avant de lui demander sa démission suite aux accusations de corruption qui pesaient sur lui. Zuma était un vice-président populaire et n'avait pas commis la maladresse politique de briguer la succession. Mais, petit à petit, Mbeki s'est raidi contre lui et l'a brutalement évincé car il ne voulait pas qu'on lui fasse de l'ombre. C'est le style Mbeki.

Au lieu de gérer calmement sa victoire contre Ramaphosa en 1997 et son élection triomphale en 1999, il a voulu faire mordre la poussière à ceux qui s'étaient opposés a lui, comme Winnie Mandela par exemple. Il a été assez vindicatif contre des anciens ennemis qui étaient neutralisés mais qu'il a voulu persécuter. Par exemple, en 2001, est apparue sans grand fondement l'idée d'un complot contre lui ourdi par trois membres importants de l'ANC, par ailleurs hommes d'affaires : Cyril Ramaphosa, Matthew Phosa, Tokyo Sekwale.

Un autre exemple de son style autoritaire est qu'il a aussi beaucoup instrumentalisé les services de sécurité pour ses batailles politiques aussi bien la police sud-africaine que la National Prosecuting Authority (NPA), que les services de renseignements. A tel point que le chef des services secrets, Billy Masethla, a dû démissionner et a engagé des poursuites en justice [7], que deux directeurs de la NPA ont dû également quitter leurs fonctions, et que Jackie Selebi, le chef de la police et proche du président, aurait dû aussi tomber pour des liens présumés avec les milieux du crime organisé s'il n'avait pas été soutenu jusqu'au bout par le président [8].

Par ailleurs, il a continué à faire ce que l'on faisait pendant la lutte contre l'apartheid, c'est-à-dire utiliser les services de sécurité de l'ANC pour régler des comptes politiques. Une autre méthode très classique a été d'utiliser la dénonciation de personnes comme agents doubles de l'apartheid (le premier directeur du NPA, Bulelani Ngucka, en a fait les frais). Si on veut tuer un ennemi au sein de l'ANC, on agit de la sorte. Cela a été déplaisant, d'une part, pour le respect des règles démocratiques, mais aussi pour les gens au sein du parti qui, sans être visés personnellement, ont critiqué cette attitude. Cela a pesé très lourd dans sa défaite.

Outre sa politique économique qui lui a valu l'ire de l'aile gauche du parti, beaucoup de décisions ne semblaient pas rationnelles et ont étonné les observateurs. Par exemple, sa position sur les blancs. Alors que Nelson Mandela avait joué un discours de réconciliation entre les deux communautés, Thabo Mbeki a tenu un discours de mise en accusation des 'blancs', aussi bien en Afrique du Sud qu'au niveau mondial. Il considérait qu'il y avait un apartheid global. Ce discours lui tenait à cœur et apparaissait parfois sur le site de l'ANC. L'africanisme de Thabo Mbeki a parfois flirté avec le racisme [9]. Un jour, il s'en est pris à Desmond Tutu car celui-ci apparaissait comme une " icône des élites blanches ". On peut même dire qu'il a contribué à re-racialiser la politique sud-africaine alors que Nelson Mandela avait tout fait pour suivre le chemin inverse.

A cela s'ajoute le fait qu'un clan s'est progressivement créé autour de lui. Ce clan s'est consolidé, fortifié puis très naturellement renfermé sur lui-même. Il ne supportait plus la contradiction, n'était plus dans le dialogue et n'échangeait quasiment plus avec l'aile gauche du parti.

Ce n'était pas le style de Thabo Mbeki de dialoguer. Le style Mbeki allait contre la culture du parti. Donc c'est pour cela qu'il y a eu le " backlash " très fort au sein du parti : Cyril Ramaphosa a exprimé un point de vue très répandu en disant que la conférence de Polokwane [10] avait été comme un " democratic watershed [11]". L'ANC a des méthodes autoritaires à l'extérieur mais en interne a une culture démocratique très forte avec des débats, des votes à la majorité…

La combinaison des oppositions a provoqué sa défaite lors de la conférence nationale du parti, à Polokwane, du 16 au 20 décembre 2007.

Dans le système politique de l'ANC, le président du parti est le candidat à la présidentielle. Donc, le fait que Mbeki perde la présidence du parti tout en restant président de la République laissait l'Afrique du Sud avec deux centres de pouvoir, ce qui était une première depuis 1994 et l'arrivé au pouvoir de l'ANC. Certains de ses partisans avaient même songé à changer le système et à faire en sorte que les présidents du parti et du pays ne soient pas la même personne. Les événements qui se sont succédés depuis septembre, même s'ils ne semblent pas avoir été planifiés, ont rétabli un centre de pouvoir unique.

ST : De façon plus générale, quels sont les clivages au sein de l'ANC ? Est-ce que le clivage gauche/droite (Zuma = gauche, Mbeki = droite) a un sens ? Est-ce que ce clivage va survivre à la chute de Mbeki ?

TV : L'ANC est une alliance. Il existe plusieurs chapelles idéologiques au sein de l'ANC. Il y a du côté gauche la COSATU [12], principale centrale syndicale du pays, plus le parti communiste sud-africain (SACP). Ils sont rattachés à l'ANC. Des membres dirigeants de la COSATU et du parti communiste siègent aux instances dirigeantes de l'ANC [13]. Le parti communiste est encore plus affecté. C'est un très vieux parti, fondé en 1921, qui a eu une histoire très étroite avec l'ANC et est même entré en symbiose avec celui-ci au moment de la lutte armée au début des années 60. Ils ont décidé de fusionner leurs structures.

Puis, de l'autre côté, il y a une droite qui rassemblait des membres de l'ANC venant d'horizons divers (traditionalistes, bourgeoisie africaine, etc.) autour de Mbeki et de sa ligne politique. Cet affrontement entre ces deux lignes avait déjà eu lieu entre 1997 et 1999 lors du changement de politique économique, quand le Programme de Reconstruction et de Développement (" RDP ") sponsorisé par la COSATU avait été remplacé par la Politique de Croissance, d'Emploi et de Redistribution (" GEAR "), largement inspirée par Thabo Mbeki. Le clivage droite/gauche au sein de l'ANC s'est fortement manifesté dans le domaine de la politique économique où la gauche mettait l'accent sur un Etat interventionniste dans le marché et la droite sur une dé-racialisation du marché. Avec Thabo Mbeki, c'est ce dernier courant qui l'a emporté.

Surtout, ces clivages internes au parti reflètent les clivages de la société sud-africaine. Loin d'être uniforme, la population africaine, qui constitue la grande majorité des électeurs de l'ANC, s'est diversifiée depuis 1994. Une bourgeoisie noire s'est affirmée - ce qui faisait partie du projet politique de Mbeki -, les " young professionals " africains ont connu une forte mobilité sociale et la politique de " black economic empowerment " a bénéficié à certains mais a laissé beaucoup d'autres en chemin. Signe de cette diversification sociale, un centre commercial de grand standing a été construit récemment à Soweto qui est maintenant devenu un township où toutes les strates de la société africaine (du docteur au SDF) sont représentées. En revanche, une partie de la jeunesse des townships ne participe pas à cette ascension sociale et elle s'exprime actuellement par la voix très revendicative de la Ligue de la jeunesse de l'ANC qui a pris une virulente position anti-Mbeki et a unanimement soutenu Jacob Zuma.

Les clivages au sein du parti étant liés aux clivages dans la société, je pense qu'ils vont continuer, même s'il est encore trop tôt pour voir sous quelle forme. Ce clivage s'était fortement accentué avec Mbeki qui, sur le plan économique, avait pris des positions libérales mâtinées quand même d'un certain nombre de développements en terme de sécurité sociale (eau et électricité gratuites [14], " affirmative action ", politique d'emplois subventionnés dans les campagnes " public works programme ", allocations sociales, etc.). Il était néolibéral mais avait dû faire des concessions sur le plan social - concessions jugées insuffisantes par la COSATU et le parti communiste. On a observé que ce clivage existait au sein du parti, mais il est moins franc dans la pratique gouvernementale qui, par nature, nécessite le compromis.

ST : Justement, revenons un peu sur cette fusion des tendances politiques au sein de l'ANC. L'ANC a très longtemps développé un discours très orienté à gauche ? Pourquoi cela a-t-il été abandonné ?

TV : Il y a deux choses. L'ANC a dû faire des concessions dans les négociations qui se sont tenues de 1993 à 1996 [15] pour mettre fin en douceur à l'apartheid. C'étaient des concessions principalement en direction des milieux d'affaires. Il y a aussi dans la partie droitière de l'ANC l'idée que les politiques de gauche (nationalisation…) n'étaient plus adaptées au contexte de l'arrivée au pouvoir post guerre froide. De plus, ils estimaient que ce que voulaient les populations africaines n'était pas un Etat avec un grand secteur public ou nationalisé mais plutôt la poursuite d'un système de marché libéral sans ségrégation raciale.

L'ANC a été à une certaine époque un mouvement de libération d'obédience marxiste-léniniste mais il est arrivé au pouvoir après la chute du mur de Berlin, contrairement à d'autres mouvements en Afrique subsaharienne. Il en avait tiré un certain nombre d'enseignements : Moscou est fini, le communisme est fini, il faut passer à autre chose ! La faction Mbeki a pu rallier du monde en jouant la carte de la chute du communisme et en apparaissant " moderne " par rapport au discours communiste qui dominait auparavant le parti, compte tenu de la surreprésentation du parti communiste dans les instances dirigeantes de l'ANC. En effet, en 1994-95, cela a été un grand virage idéologique et traumatisant pour certains quand Mandela annonça qu'il n'y aurait pas de nationalisations. Le programme politique et économique de l'ANC, basé sur les nationalisations, était donc à revoir. Mbeki et quelques autres étaient à la base de ce virage idéologique ou pragmatique.

Sur ce point, il y a une anecdote révélatrice que l'on m'a racontée. Au moment des négociations pour mettre à la fin de l'apartheid avant les élections de 1994, en sa qualité de grand négociateur de l'ANC et de bras droit de Mandela mais aussi en tant que chef de la COSATU, Cyril Ramaphosa rencontre un des représentants de la famille Oppenheimer[16] en tête à tête. Ramaphosa commence à faire des remarques sur les mauvaises conditions des ouvriers sud-africains. Son interlocuteur acquiesce. Ramaphosa mentionne alors les mauvaises conditions de vie des ouvriers. Son vis-à-vis acquiesce encore une fois. Ramaphosa commence à se demander si son interlocuteur le prend vraiment au sérieux. Donc, il aborde la question de la future victoire électorale de l'ANC qui a prévu de nationaliser le secteur minier dont les mines de la famille Oppenheimer. Le représentant de la famille Oppenheimer répond qu'il est possible que cela se passe comme ça mais ajoute : " vous savez une mine n'est qu'un trou dans le sol". Le sous-entendu étant que si les nationalisations avaient lieu, la famille Oppenheimer retirerait les compétences et investissements du groupe dans le secteur minier[17].

Ce type de dialogue a convaincu un grand nombre de dirigeants de l'ANC de revenir sur leur agenda communiste. Il fallait rassurer les milieux d'affaires pour éviter une récession économique importante. Et l'agenda économique communiste a été remplacé par un agenda de déracialisation d'une économie de marché : " l'affirmative action " et le " black economic empowerment " accompagnaient une politique économique néolibérale, l'objectif de Thabo Mbeki étant la déracialisation du marché mais pas la fin ou la transformation de l'économie de marché. C'est ce point qui a toujours été contesté par l'aile gauche de l'ANC qui est en faveur d'un fort interventionnisme étatique et défend l'idée d'un " developmental State ".

ST : Après tous ces revirements politiques, ces scandales de corruption, qu'est-ce que représente l'ANC dans le paysage politique sud-africain d'aujourd'hui ? Est-ce que cette crise politique affecte la perception du parti par la population et peut avoir des conséquences au niveau électoral ?

TV : L'ANC est toujours le parti qui a libéré les populations africaines, celui qui a mené la lutte contre l'apartheid et celui qui a permis qu'un noir puisse gouverner le pays. Voilà ce que cela représente. Bien entendu, cette perception est un peu différente en dans les différents segments de la population noire sud-africaine. Evidemment, pour les nouvelles générations, la vision n'est pas tout à fait la même. Mais on enseigne l'histoire de l'ANC à l'école, donc la légitimité se transmet aussi.

Je n'ai pas regardé les derniers résultats électoraux en détail. Mais en général l'ANC l'emporte avec entre 60 et 70 % des voix. Je doute qu'il en soit autrement lors des prochaines élections. Ce qui change, c'est le vote abstentionniste qui peut se développer dans la majorité noire car il n'y a pas de véritables challengers à l'ANC (Desmond Tutu a, par exemple, annoncé qu'il ne voterait pas en 2009). L'ANC reste donc en position dominante. Elle peut voir en valeur absolue ses électeurs diminués. Mais il n'y a pas d'alternative crédible à l'heure actuelle dans le champ politique.

ST : On entend depuis quelques semaines l'annonce de la création d'un nouveau parti issu de l'ANC. Qu'en est-il vraiment et est-ce que cela pourrait remettre en cause l'élection programmée de Jacob Zuma à la tête de l'Etat sud-africain ?

TV : Les scissions de l'ANC ont une histoire et ce n'est pas une histoire heureuse. Il y a déjà eu des scissions dans le passé lointain. La première date de 1959 lorsque Robert Sobukwe a créé le Pan African Congress (PAC)[18] pour s'opposer à la ligne multiraciale au sein de l'ANC. Le PAC était beaucoup plus radical[19] en ne souhaitant pas la présence de non-africains au Comité central. En 1994, le PAC a totalisé 1,25 % des voix.

Il y a eu une autre scission avec Bantu Holomisa[20]. En 1996, et seulement deux ans après avoir rejoint le parti, il quitte l'ANC et crée l'UDM (Union Democratic Movement) avec Ralph Meyer, politicien d'origine afrikaner qui a joué un rôle très important dans les négociations de 1994. L'UDM a semblé exister pendant trois années mais s'est effondré en 2001 par manque de soutiens et de moyens.

Je ne pense pas que la future scission ait plus d'avenir que les précédentes. Le groupe des " sécessionnistes " est mené par l'ex-ministre de la défense Mosiuoa Lekota et le gouverneur de la province du Gauteng[21], Mbhazima Shilowa, qui veulent créer un nouveau parti qui est, pour le moment, surnommé " Shikota " (contraction de leurs deux noms) par la presse sud-africaine. Une telle perspective est vue très favorablement par les commentateurs de la vie politique sud-africaine parce qu'elle représenterait une opposition africaine à l'ANC et diversifierait le choix des électeurs en 2009, et Mbhazima Shilowa et Mosiuoa Lekota présentent leur mouvement sous cet angle. Néanmoins, son espérance de vie parait limitée, même s'il y a une dynamique d'érosion du soutien électoral à l'ANC. D'une part, les dissidents prennent le risque d'être exclus de l'ANC définitivement alors qu'ils y ont fait toute leur carrière politique et, d'autre part, ils sont minoritaires - comme l'a montré le congrès de Polokwane - et chacun de leur meeting provoque un contre-meeting de partisans de l'ANC - comme très récemment à Orange Farms [22]. De plus, ils donnent l'impression de vouloir continuer en avril 2009 la bataille perdue de décembre 2007 à Polokwane, sans que le rapport des forces à l'intérieur du parti ait changé. " Shikota " veut se présenter comme une " innovation politique " (appel du pied a l'électorat blanc, aux " black young professionals ", etc.) mais cela parait difficilement crédible vu la composition de ce mouvement. Ils ont organisé une convention à Johannesburg qui ressemblait beaucoup à un anti-Polokwane. Elle rassemblait surtout les hiérarques du clan Mbeki au sein de l'ANC qui ont été au pouvoir ces dix dernières années et où ils se sont considérablement enrichis [23] mais n'ont pas été inclus dans le nouveau National Executive Committee. Il est difficile d'imaginer quelle nouvelle offre politique ils représentent et comment ils vont pouvoir défendre leur bilan contesté lors de la prochaine campagne électorale.

Par contre, l'ANC est inquiet de cette dissidence car les membres du clan Mbeki partent avec les " petits secrets financiers " du parti et pourraient en faire usage pour le discréditer. De ce point de vue, " Shikota " est bien plus dangereux qu'un challenger politique externe. De manière révélatrice, Thabo Mbeki reste d'ailleurs à distance de cette nouvelle initiative politique et a demandé que l'on n'utilise pas son nom à des fins politiques[24].

ST : Quelle est la base de Jacob Zuma au sein du parti ?

TV : Jacob Zuma a une base populaire et géographique forte, notamment au Kwazulu-Natal. C'est un zoulou traditionaliste (polygame…) et il représente aussi une figure de réussite auxquels les milieux populaires peuvent s'identifier facilement : pauvre du Kwazulu, orphelin, fils d'une domestique des townships de Durban, sans éducation, il rejoint la branche armée de l'ANC, à 17 ans. Ce n'était pas un cadre comme Mbeki. Il était un foot soldier de la branche armée de l'ANC. Puis il a été condamné à 10 ans de prison à Robben Island[25]. Sorti de prison, il a monté les échelons de l'ANC en devenant progressivement un des chefs des services de renseignement du mouvement.

Par ailleurs, au Kwazulu-Natal, il a été le négociateur des accords de paix avec l'Inkhata[26]. Après 1994, malgré la présence du Mangosuthu " Gatsha " Buthelezi au gouvernement d'union nationale, cela n'empêchait pas les affrontements de continuer sur le terrain. Et il était envoyé pour régler ces problèmes de 1994 à 1998. Il était même ministre provincial du Kwazulu-Natal. Puis Thabo Mbeki fait de lui son vice-président de 1999 à 2005.

Zuma a nettement remporté la bataille interne à l'ANC à la conférence de Polokwane. Aujourd'hui, son ennemi a été mis à terre. Bien entendu, les " mbekistes " ont essayé de résister, notamment lorsque plusieurs ministres ont marqué leurs soutiens en démissionnant en même temps que lui. Un certain nombre de ces ministres ont été rattrapés par la manche, en particulier le ministre des finances Trevor Manuel, en poste depuis 1996, qui avait le soutien des milieux d'affaires. Par ailleurs, il y a des supporters de Mbeki qui sont déçus et quittent le parti en marque de protestation pour rejoindre " Shikota ".

ST : Toute cette crise politique se déroule alors que depuis plusieurs mois le climat social et économique sud-africain semble se dégrader (grèves dans le secteur minier, problèmes énergétiques, Sida, questions de criminalité …) ? Est-ce que le prochain président sud-africain aura les moyens de remettre le pays sur les rails ?

TV : Cela me paraît être le vrai challenge pour le futur " régime Zuma ". Il a promis des avancées dans le domaine de la sécurité sociale et des augmentations salariales. Cependant, les marges budgétaires paraissent étroites, surtout en ce contexte de crise mondiale, à moins d'augmenter très significativement les impôts. Le niveau d'imposition des entreprises est déjà assez fort (35%) en Afrique du sud. La crise mondiale va en plus toucher le système de crédit et les exportations sud-africaines et donc les revenus et la consommation qui en découlent.

Jacob Zuma est porté au pouvoir par la COSATU et le parti communiste qui vont certainement lui rappeler d'où il tient sa légitimité, tout cela dans un contexte social de plus en plus difficile. On aura d'ailleurs une idée des grandes orientations lors de l'annonce de la formation de son gouvernement. Il faudra ainsi compter le nombre de membres issus de la COSATU et du SACP et voir à quels postes ils seront.

Dans le domaine énergétique, ce n'est pas du tout une crise passagère. Dans le secteur de l'électricité, il y a deux problèmes. Tout d'abord, il y a une crise de production. C'est-à-dire qu'il n'y a pas assez d'électricité pour l'ensemble des foyers et des activités économiques en Afrique du Sud, en raison de la croissance économique enregistrée dans le pays ces dernières années. En même temps, il y a une crise du transport de l'électricité. Même si le pays était capable de produire plus d'électricité, l'approvisionnement ne pourrait être optimal en raison de la saturation du réseau qui est partiellement obsolète. Il est saturé car les décisions d'investissement qui auraient dû être prises il y a une dizaine d'années ne l'ont pas été et le pays en pâtit aujourd'hui. Ce n'est donc pas une crise conjoncturelle. Elle est la conséquence d'une série de choix, ou plutôt de non-choix, dont on voit les conséquences aujourd'hui. Le moment le plus marquant de la crise énergétique est apparu lorsque certaines mines ont dû cesser leurs activités l'année passée.

Des mesures d'urgence ont été prises. Le gouvernement sud-africain a par exemple pris contact avec la France (Areva) pour se faire livrer des éléments pour le réacteur nucléaire de Koeberg mais a également entamé les démarches pour lancer la construction de nouvelles centrales[27]. Des mesures vont également dans le sens d'une diversification des sources d'énergie notamment avec le développement d'énergies propres (solaire, éolien). Enfin il y a eu des mesures d'investissements dans la compagnie nationale d'électricité ESKOM qui a vu son budget augmenter de plusieurs centaines de millions d'euros depuis 2 ans.

En plus, les Sud-Africains attendaient l'extension d'Inga[28] depuis 15 ans mais cela ne s'est pas fait. Les sud-africains ont aussi été victimes de ce qui ne s'est pas réalisé au niveau congolais.

La gestion d'une autre crise est aussi problématique. La question du sida est un autre exemple emblématique des mauvais choix faits par les gouvernements sud-africains depuis le début des années 1990, notamment en décidant de repousser l'introduction des antirétroviraux. Il y a eu un aveuglement au début de l'épidémie, un vrai déni dont on retrouve les conséquences quinze ans plus tard et qui conduit certains groupes d'activistes à demander la formation d'une commission " Truth and Reconciliation " sur le sida. Les premiers cas apparaissent dans le pays à la fin des années 1980. L'ANC arrive au pouvoir en 1994 dans un contexte lyrique, enthousiaste, volontaire. Ce n'était pas le moment pour un parti qui a attendu depuis 1912 son accession au pouvoir d'annoncer tout de suite de mauvaises nouvelles. Dire aux citoyens : " attention il y a une épidémie de sida, cela va être terrible, préparez-vous !" ne correspondait à l'ambiance générale. L'esprit n'était pas à annoncer ces nouvelles. On restait dans l'esprit de celui qui sort d'années de frustration et qui veut fêter sa victoire. Après, lorsque la pandémie a été reconnue, le discours gouvernemental n'a pas été à la hauteur du défi et la ministre de la santé Manto Tshabalala-Msimang a perdu toute crédibilité en défendant des idées indéfendables[29].

Concernant les questions de sécurité et de criminalité, cela m'étonnerait que Jacob Zuma soit laxiste. Jusqu'à présent, il a proposé des solutions plutôt radicales : le retour de la peine de mort, la légitime défense, etc. Il incarne une ligne dure face aux problèmes de sécurité car c'est une demande populaire. L'insécurité touche d'abord et surtout les pauvres des townships.

ST : Quel rôle et pouvoir va pouvoir exercer le président intérimaire M. Kgalema Motlanthe ?

TV : Il va expédier les affaires courantes. Il a 7 mois devant lui dont deux mois de campagne électorale. Dans son discours d'investiture, il a annoncé la poursuite des politiques engagées par son prédécesseur en signalant qu'elles n'étaient pas les politiques d'un homme mais du parti. Il sera dans une certaine continuité, en attendant l'arrivée de Zuma au pouvoir.

 


 

[1] Auteur de l'ouvrage, L'Afrique du Sud démocratique ou la réinvention d'une nation, 2004, L'Harmattan, Paris, 292 p.

[2] Le 14 juin 2005. Jacob Zuma fut contraint aussi de démissionner de son poste de député au parlement.

[3] Les accusations de corruption concernant Jacob Zuma sont apparues en 2005 lorsque son influent conseiller financier, Schabir Shaik, fut condamné à 15 ans de prison pour corruption et fraudes, notamment dans le cadre de l'appel d'offre de la marine sud-africaine pour de nouvelles frégates. Ainsi, deux des charges pour lesquelles Shaik a été condamné furent : - 1. Corruption : pour avoir donné à Jacob Zuma 1.2 million Rand (185,000 US $) pour jouer de son influence auprès des firmes étrangères qui répondaient à des appels d'offre de l'Etat sud-africain, notamment la firme française Thomson-CSF (dans le cadre d'un appel d'offre de la marine sud-africaine) ; - 2. Fraudes : pour avoir effacé 1 million Rand (154,000 US $) de dettes de Jacob Zuma. Tout au long du procès de Schabir Shaik, qui s'est tenu entre 2004 et 2005, le nom de Jacob Zuma, ainsi que celui d'un autre membre éminent de l'ANC, Tony Yengeni, sont souvent apparus dans les commentaires des juges. Des procès furent ouverts contre ces deux personnalités politiques. Au final, Tony Yengeni fut condamné mais Jacob Zuma, après une longue bataille juridique où l'influence du politique fut constante, obtint un non lieu en septembre 2008 en raison du manque de preuves.

[4] Cyril Ramaphosa a toutefois fait une erreur stratégique en refusant le poste de ministre des affaires étrangères qui lui avait proposé dans le gouvernement de Nelson Mandela. (Cf. Marianne Séverin et Pierre Aycard, " Qui gouverne la " nouvelle " Afrique du Sud ? Elites, réseaux, méthodes de pouvoir (1985-2003) ", In L'Afrique du Sud dix ans après : Transition accomplie ?, IFAS (South Africa), 2004, Khartala, p.17-52. Ouvrage disponible en ligne). Ce refus a été mal perçu par de nombreux hauts cadres de l'ANC. De plus, Cyril Ramaphosa a souffert d'un autre handicap face à Mbeki qui a joué un poids important à la conférence de Mafikeng. Il faisait parti des cadres de l'ANC formé par l'école de l'intérieur alors que Thabo Mbeki avait été formé par l'école de l'extérieur qui a joué un rôle primordial dans la phase de transition post-apartheid.

[5] Il ne faut pas oublier non plus que Thabo Mbeki avait été formé par l'ANC depuis le début des années 1960 pour devenir dirigeant. Ceci a joué en sa faveur pour obtenir le soutien de membres importants de l'ANC. Cyril Ramaphosa était d'une génération plus jeune.

[6] Deputy President

[7] Il était Directeur-Général de la National Intelligence Agency (NIA). Il a été suspendu de ses fonctions en octobre 2005 puis " démissionné " en mars 2006. Il avait mis sur écoute plusieurs hauts dignitaires de l'ANC. Pour essayer de se protéger de la justice, il avait fabriqué de toute pièce une conspiration, basée sur de faux courriels qu'il avait fait rédiger par un ingénieur informatique, impliquant les personnes mises sous écoute. Cette conspiration était censée viser Jacob Zuma et Kgalema Motlanthe Par la suite, Billy Masethla rejoindra le camp de Jacob Zuma.

[8] Jackie Selebi n'est actuellement pas suspendu de la police mais il est en " special leave " suite a plusieurs accusations mettant en cause ses relations personnelles avec des membres du crime organisé.

[9] En effet, Thabo Mbeki décrivait souvent l'Afrique du Sud comme " deux nations " et développait le concept de la " renaissance africaine " qui visait à trouver des solutions africaines pour les problèmes du continent africain mais d'après Marianne Séverin, auteur d'une thèse sur les réseaux de l'ANC ('Les réseaux ANC (1910-2004). Histoire politique de la constitution du leadership de la nouvelle Afrique du Sud', IEP Bordeaux, 2006), Thabo Mbeki n'était pas foncièrement raciste. A Dakar, en 1987, négociant avec les représentants Afrikaners du régime de l'apartheid, il leur dit : " Je m'appelle Thabo Mbeki, je suis moi aussi un Afrikaner. Ne craignez rien, vous ne serez pas assassiné ce soir dans votre lit. " De plus, il a été entouré d'un conseiller parlementaire afrikaner qui a joué un rôle important dans sa course à la présidence de 1999.

[10] La conférence nationale de l'ANC s'est déroulée à Polokwane du 16 au 20 décembre 2007. 4 000 délégués étaient réunis pour élire la nouvelle direction du parti ainsi que pour le poste de leader. Thabo Mbeki, en charge depuis 1997, se représentait. Son principal rival en interne était Jacob Zuma. Après une campagne tendues entre les deux camps, Jacob Zuma l'emporta avec 2 329 voix contre 1 505 pour Thabo Mbeki.

[11] " Tournant démocratique "

[12] Congress of South African Trade Unions

[13] Par exemple, actuellement, le secrétaire général de l'ANC, Gwede Mantashe, est un des membres dirigeants de la COSATU et ex-dirigeant du très puissant syndicat des mineurs.

[14] En octobre 2000, l'ANC, en campagne pour les élections locales, lance l'idée que " ses " municipalités offriront une certaine quantité d'eau et d'électricité gratuite aux habitants. Quelques mois plus tard, les municipalités se voient confiés la responsabilité de subventionner, pour les services essentiels dont elles ont la charge, un niveau de prestation minimum gratuit pour les ménages pauvres. Cette expérience a rencontré des succès mais aussi de nombreux problèmes dans sa mise en œuvre (Cf. Sylvie Jaglin, " L'équité en question ", Le courrier de la Planète, n°77 : http://www.courrierdelaplanete.org/77/article4.php#1).

[15] Date de l'entrée en vigueur de la nouvelle constitution

[16] Le fondateur de cette dynastie est Ernest Oppenheimer qui a émigré en Afrique du sud à la fin du XIXème siècle. Ernest Oppenheimer a fondé un empire économique estimé aujourd'hui à plusieurs milliards de dollars qui font des descendants Oppenheimer la famille la plus riche d'Afrique du Sud. La famille Oppenheimer a joué un rôle essentiel dans l'essor du secteur minier en Afrique australe en ayant fondé AngloAmerican et particulièrement dans le diamant avec d'importantes positions au sein du groupe DeBeers. C'est aussi une famille possédant d'importants domaines fonciers en Afrique du Sud et au Zimbabwe. Nicky Oppenheimer est actuellement en charge des intérêts de la famille Oppenheimer.

[17] Confrontés à des situations similaires en Zambie (1971) et dans le Zaïre de Mobutu Sese Seko (début des années 1980), DeBeers a réussi à renverser le processus de nationalisation en plombant les politiques étatiques par des actions de dumping sur les prix ou par son contrôle sur les centrales d'achat de diamants.

[18] Congrès panafricain. Celui-ci créa aussi sa branche armée en 1968 sous le nom de Poqo puis fut rebaptisée ' " Armée de libération du peuple d'Azanie " (" Azanian People's Liberation Army " -APLA). Après des débuts remarqués, le parti fut interdit en 1960, tout comme l'ANC, suite au célèbre " massacre de Sharpeville ". Par la suite, son influence fut limitée et ses résultats aux élections de 1994, 1999 et 2004 furent jugés comme des échecs par les observateurs.

[19] Notamment le slogan : " Un colon, une balle "

[20] Ancien général dans le Bantoustan du Transkei qui a rejoint l'ANC en 1994.

[21] Anciennement province de Pretoria-Witwatersrand-Vereeniging. Rebaptisée " Gauteng " en décembre 1995. Le Gauteng est la province la plus urbanisée d'Afrique du Sud. Ses principales villes sont Pretoria la capitale administrative du pays et Johannesburg, la capitale économique.

[22] Ville sud-africaine dans la région de Vereeniging au sud de Johannesburg. Le 23 octobre 2008, les sympathisants à la cause de Mosiuoa Lekota s'y sont réunis. En dehors de la salle de conférence des supporters de l'ANC les attendaient en scandant des slogans très hostiles (" Kill Shilowa, kill Lekota') et menaçant physiquement les participants à la conférence. La police a dû intervenir pour protéger les conférenciers.

[23] L'épouse de Shilowa est Wendy Luhabe, une femme d'affaires très influente qui préside l'Industrial Development Corporation et plusieurs fonds d'investissements. Outre sa propre contribution, elle joue un rôle clé dans la levée de fonds en cours pour financer " Shikota ".

[24] Il a écrit une lettre à Jacob Zuma qui vient d'être rendue publique (http://www.mg.co.za/uploads/mbekiletter.pdf) et dans laquelle il exprime toute son amertume et rappelle qu'on ne parle pas en son nom.

[25] Robben Island est une île d'Afrique du Sud, au large du Cap, qui a servi au XXème siècle de prison politique pour les opposants noirs au régime d'apartheid. Nelson Mandela y fut détenu pendant près de 18 ans, à partir de 1964, avant d'être transféré à la prison Victor Vester, près de Paarl. De nombreux autres membres de l'ANC et des mouvements de libération sud-africains y furent aussi détenus.

[26] Inkhata Freedom Party. L'Inkatha fut fondé en 1975 par Mangosuthu Buthelezi, un ancien membre de la ligue de jeunesse de l'ANC et chef de l'autorité territoriale du KwaZulu. Le parti plonge ses racines dans la résistance à la dilution de la culture zoulou, la lutte contre l'impérialisme britannique et la domination afrikaner. À ses débuts, l'Inkatha est proche de l'ANC, alors interdite par le régime d'apartheid. Mais les gouvernements de l'apartheid surent utiliser les rivalités personnelles entre les chefs des deux organisations. À partir de 1976, Buthelezi est nommé premier ministre du bantoustan autonome du KwaZulu. À ce titre, l'Inkatha est alors accusé d'être une armée de supplétifs dans la répression des habitants des ghettos en révolte. À partir de 1980, les liens entre Buthelezi et l'ANC sont rompus et l'Inkatha devient un rival de l'ANC. À la fin des années 80, une guerre civile fait rage dans l'East Rand et au Natal entre zoulous de l'ANC et ceux de l'Inkhata (plus de 10 000 morts). Au début des années 90, lors des négociations constitutionnelles, l'Inkatha rejoint le Parti conservateur d'Afrique du Sud, dans " l'Alliance des Libertés ", destinée à faire échec aux négociations et à renforcer l'idée d'une Afrique du Sud ethniquement et territorialement divisée. C'est de justesse que l'Inkhata rejoint en mars 1994 le processus électoral en cours après avoir obtenu des garanties quant au maintien de la spécificité zoulou de la nouvelle province du KwaZulu-Natal.

[27] Un appel d'offres a été lancé par Eskom. Areva et l'americain Westinghouse sont en compétition.

[28] Le complexe hydro-électrique d'Inga est actuellement constitué de deux barrages situés en République démocratique du Congo dans la province du Bas-Congo. Ces deux ouvrages distincts sont dénommés Inga I (325 MW) et Inga II (1 424 MW). Ils ne fonctionnent que de façon réduite depuis plusieurs années faute d'entretien et de pièces de rechange. La compagnie sud-africaine ESKOM, au sein du consortium Westcor, a le projet de dynamiser la production et de développer de nouvelles capacités. Mais Inga III (3 500 MW) et le projet " Grand Inga " (potentiellement 39 000 MW) ne sont toujours pas mis en route.

[29] En 2003, elle a publiquement préconisé le recours à un régime alimentaire à base de citron, d'huile d'olive et d'ail pour lutter contre le sida. Elle n'est pas la seule au sein de la classe politique sud-africaine a ne pas avoir pris l'ampleur de la question du sida. Le président Mbeki a longtemps eu une ligne de conduite indéfendable sur la question du Sida. Il a ainsi publiquement déclaré que le VIH n'était pas à l'origine du sida et que les médicaments antirétroviraux étaient inefficaces et toxiques. De son côté, Jacob Zuma a aussi tenu des propos assez déplacés sur la question en affirmant s'être protégé du sida en prenant une douche après un rapport non protégé avec une femme séropositive.