Publié le 26/09/2014

Michel CRUCIANI

La production d'électricité d'origine renouvelable exige un investissement relativement élevé par unité de puissance. Cet investissement varie énormément en fonction des sources et des pays. Seule une approche concrète, pour un site donné et une technique précise, permettra d'évaluer le montant requis pour l'investissement initial et les frais d'exploitation ultérieurs.

Cette évaluation étant faite, le premier souci du porteur de projet consiste à rassembler le capital nécessaire, en cernant le taux de rentabilité attendu par les actionnaires et le taux d'intérêt exigé par les créanciers. On calcule alors le coût moyen actualisé du MWh (désigné par son acronyme anglais, LCOE) sortant de la future installation, en adoptant une hypothèse relative à son facteur de charge et en fixant une durée de vie à ses équipements. Dans les conditions optimales, le LCOE des sources renouvelables d'électricité, ou coût prévisionnel de production, atteint aujourd'hui un niveau proche, voire inférieur, à celui des sources conventionnelles (charbon, gaz, nucléaire).

Cependant, le consommateur ne paie pas le courant à son LCOE. En effet, les politiques publiques destinées à stimuler la production à partir de sources renouvelables ont souvent prévu un dispositif de soutien qui conduit à les rémunérer à un niveau plus élevé. En outre, le consommateur supporte des frais de réseau, qui sont majorés en raison des renforcements indispensables pour recueillir les volumes d'électricité produits par les nouvelles sources et pour préserver la qualité de la fourniture. Compte tenu de leur caractère dispersé et de la variabilité de leurs apports, les énergies renouvelables accentuent le besoin d'un saut qualitatif dans la gestion des réseaux, nécessitant un équipement onéreux en dispositifs communicants. L'intermittence de la production issue d'installations éoliennes et photovoltaïques entraîne par ailleurs une augmentation des coûts de système destinés à garantir la sécurité des réseaux et donc la continuité de l'alimentation lorsque ces deux sources d'énergie prennent des proportions significatives dans le mix local.

Les énergies renouvelables modifient par ailleurs les équilibres anciens. Elles sollicitent le contribuable, les pouvoirs publics apportant un concours non négligeable à leur développement. Ces énergies concourent certes à réduire les émissions de gaz à effet de serre, dont le coût différé pour la communauté sera considérable, mais cette réduction demeure parfois modeste dans le secteur électrique et se fait à un prix élevé. Parmi les énergies renouvelables, la biomasse peut rejeter des polluants locaux dans certaines conditions d'utilisation et, les ressources européennes étant limitées, conduire à des importations. D'autres filières (éolien, photovoltaïque) nécessitent des métaux rares, créant une nouvelle forme de dépendance à l'égard des pays exportateurs. Leur impact économique général reste difficile à apprécier au sein de l'Union européenne, les emplois créés s'accompagnant d'une hausse moyenne du prix de l'électricité préjudiciable à la position compétitive internationale de diverses activités, et donc à l'emploi dans ces secteurs. L'impact économique local demeure très variable.

Le développement des sources renouvelables engendre également des effets redistributifs qui semblent encore peu quantifiés. On cite bien sûr la perte de valeur boursière des producteurs historiques d'électricité, frappés par une chute sans précédent de leurs revenus, mais on ne s'intéresse guère aux bénéficiaires des taux de rentabilité élevés qu'ont procurés les mécanismes de soutien à certains investisseurs, et on n'a pris que récemment conscience des conséquences de ces mécanismes sur les petits consommateurs, particuliers ou entreprises. Les disparités de situation présentent des risques d'aggravation dans le futur.

Cette photographie reflète la situation actuelle, mais sans prendre en compte la dynamique du secteur, qui est marqué par des évolutions rapides, avec d'importants progrès technologiques, l'arrivée de nouveaux acteurs et des ajustements réglementaires, tous facteurs favorisant la baisse des coûts. L'analyse des expériences menées depuis quelques années permet de dresser une liste de suggestions visant à consolider cette tendance à la réduction. Néanmoins, pour les pays enregistrant une consommation relativement stable d'électricité, on ne parviendra probablement pas à annuler le surcoût induit par les nouvelles sources avant deux décennies environ.

Les coûts imprévus observés dans les pays pionniers des énergies renouvelables et les effets redistributifs inédits observés sont largement imputables à un rythme mal maîtrisé de développement. La tentation d'accélérer la pénétration de ces sources par une politique volontariste pourrait entraîner à nouveau des dépenses élevées.