Publié le 15/08/2014

Michel DRAIN

La politique de sécurité et de défense reste toujours en Allemagne l’objet de débats publics intenses comme en témoigne la convocation du Bundestag sur la question de la livraison d’armes aux Kurdes d’Irak pour lutter contre « l’État islamique ».

Si une évolution politique vers un engagement international plus important est en cours, l’opinion publique doit encore apporter son soutien à ces changements comme l’ont souligné Claudia Major et Christian Mölling dans la Note du Cerfa n°113 (« La politique de défense allemande en 2014 et au-delà : un changement est-il possible ? », juin 2014). Faisant suite à cette dernière, cette note de Michel Drain permet de préciser la dimension parlementaire de la politique de défense allemande.

En Allemagne, la politique de défense est, comme en France, élaborée et mise en œuvre par l’exécutif avec le soutien de sa majorité parlementaire, mais les modes d’intervention du Parlement diffèrent dans les deux pays. Le Bundestag possède, en la matière, des attributions plus étendues que le Parlement français. Celles-ci sont établies par la Loi fondamentale mais la Cour constitutionnelle en a donné une interprétation large. Elle définit la Bundeswehr comme « l’armée du Parlement » et impose un mandat parlementaire préalable pour l’engagement des militaires allemands à l’étranger. Une loi a transposé cette jurisprudence ; elle a été critiquée pour les limites qu’elle paraît imposer à la solidarité alliée mais il semble difficile de la modifier autrement qu’à la marge. Le Bundestag dispose aussi de larges prérogatives dans des domaines tels que la protection des droits fondamentaux des militaires, le contrôle du budget de la défense ou le suivi de l’action des services de renseignement. Sa contribution est décisive pour l’approfondissement de la culture stratégique allemande et l’acceptation par l’opinion publique des engagements militaires extérieurs.

La pratique politique allemande favorise par ailleurs l’association du Parlement aux décisions concernant la défense. Le mécanisme des coalitions et la puissance des partis politiques ont pour conséquence de soumettre celles-ci à un contrôle politique étroit et diversifié. Le système politique allemand permet également une bonne information de l’opposition sur ces questions. Enfin, il est marqué par l’influence manifeste de certains députés, étroitement associés aux décisions gouvernementales, y compris dans le domaine de la défense.

Malgré les évolutions récentes, l’Allemagne a encore besoin d’approfondir son débat stratégique. Les travaux parlementaires peuvent y contribuer de manière déterminante.

 

Michel Drain est chercheur associé au Cerfa.

Cette « Note du Cerfa » est une version actualisée d’une étude réalisée par M. Michel Drain pour la Délégation aux affaires stratégiques (DAS) du ministère de la Défense.