20
nov
2017
Espace Média L'Ifri dans les médias
Hans STARK, interviewé par Julie Cloris pour Le Parisien.

Allemagne : pour Merkel, «c’est le début d’une longue transition»

L’Allemagne est bloquée depuis l’arrêt des discussions pour composer une coalition de gouvernement. Quels sont les scénarios envisageables ? Hans Stark, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI), secrétaire général du Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) décode la situation pour le Parisien.

 

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Alors que les négociations ont échoué entre Angela Merkel, les libéraux et les écologistes pour constituer une coalition de gouvernement, et que la situation en Allemagne est bloquée, le président de la République fédérale doit s’exprimer ce lundi. Mais le dénouement n’arrivera pas dans la journée, prévient Hans Stark.
 

Les conservateurs de la CDU-CSU n’ont pas réussi à s’entendre avec les libéraux du FDF et les écologistes, mais l’immigration n’est pas seule en cause.

Hans Stark. Ces trois partis avaient des positions diamétralement opposées sur l’immigration, le climat, l’agriculture et la fiscalité. Par exemple, les libéraux veulent une baisse forte de la fiscalité, et la fin des transferts vers les Länders de l’ex-Allemagne de l’est. Les Verts veulent le maintien du niveau actuel. Pour l’agriculture, la question est de savoir si on va vers une agriculture plus durable. Sur ce dossier, la CSU penchait vers les Verts, mais elle penche du côté des libéraux sur l’immigration. 

Un compromis est-il encore possible ?

H.S. A mon sens, le parti libéral ne voulait pas entrer au gouvernement. Le but du FDP est de ne pas faire de concession. Ce parti est sans doute traumatisé par son éviction du Parlement il y a quatre ans.

Comment réagissent les Allemands ?

H.S. C’est un peu tôt pour le dire mais il me semble qu’ils estimeront que les responsabilités sont partagées : Angela Merkel a échoué, le FDP a manqué de souplesse et les Verts de maturité. Ça ne peut que renforcer l’image des courants anti-système, dont l’AfD (NDLR: l’extrême droite, qui a fait son entrée au Bundestag à l’issue des élections fédérales allemandes du 24 septembre dernier).

Quels sont les scénarios envisageables ?

H.S. Il y en a trois : 1. Une coalition minoritaire entre la CDU-CSU et les Verts. C’est à mon sens peu probable car cela rendrait l’action gouvernementale compliquée. Pendant quatre ans, Angela Merkel ne pourrait plus avancer sur les grandes réformes européennes, environnementales, climatiques. La chancelière serait, paradoxalement, protégée. Même élue à la majorité simple, il faudrait pour la renverser élire immédiatement son remplaçant à la majorité absolue. Ce qui, vu la situation, semble impossible. 2. Les sociaux-démocrates du SPD (NDLR : qui ont connu en septembre leur pire score électoral depuis la Seconde guerre mondiale, et décidé de siéger dans l’opposition), acceptent de revenir dans une grande coalition de gouvernement, comme avant. Mais ils se sont clairement prononcés contre. Et ils perdraient la face. 3. La tenue d’élections anticipées, qui devraient reproduire les mêmes rapports de force.

D’où le recours d’Angela Merkel au président allemand, Frank-Walter Steinmeier…

H.S. Le président ne peut pas, constitutionnellement, convoquer des élections anticipées dès aujourd’hui. La Constitution dit bien qu’il faut l’échec de plusieurs tentatives pour élire un nouveau chancelier.

Steinmeier craint-il que l’AfD obtienne un meilleur score ?

H.S. Je ne le pense pas. Ils peuvent faire un tout petit peu mieux qu’en septembre (12,6) mais pas tellement. Même si l’AfD obtient quelques points en ex-Allemagne de l’est, ça ne va pas changer fondamentalement la donne politique. Seuls 13 millions des 80 millions d’Allemands habitent dans ces Länders.

Est-ce le début de la chute d’Angela Merkel ?

H.S. Non. C’est le début d’une transition longue qui va vers l’émergence d’un nouveau président de la CDU, qui pourrait aspirer à devenir chancelier. Mais il n’y a actuellement personne au sein du parti capable de se poser en dauphin ou en rival, pas de « présidentiable », comme on dit en France. Angela Merkel a encore du temps devant elle. Mais il est clair qu’elle ne fera pas douze ans de plus.

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