18
jan
2023
Espace Média L'Ifri dans les médias
Marc JULIENNE, interrogé par Mayeul Aldebert pour Le Figaro

Déclin de la population chinoise : «En Chine, le fait d'avoir un seul enfant est entré dans les mœurs»

Spécialiste de la Chine à l'Institut français des relations internationales, Marc Julienne analyse le déclin inédit en 2022 de la population chinoise. Pékin a annoncé la perte de 850.000 habitants l'an dernier.

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LE FIGARO.- Comment expliquer la baisse inédite de la natalité en Chine alors même que Xi Jinping avait déployé une politique nataliste avec la fin de la politique de l'enfant unique en 2015 ?

Marc JULIENNE.- Les réformes entreprises par les autorités pour faire face au vieillissement de la population sont trop faibles, trop tardives et ne répondent pas à la cause essentielle de la baisse de la natalité : la question sociale. Pour encourager la natalité, les autorités ont cru qu'il suffirait d'autoriser les couples à avoir plus d'un enfant. Ainsi, elles ont progressivement aboli la politique de l'enfant unique en vigueur depuis 1979. Mais le problème n'était pas là. D'une part, le fait d'avoir un seul enfant est entré dans les mœurs ; d'autre part, le coût de la vie augmente rapidement dans un pays où la protection sociale n’existe pas, la santé et l’éducation sont onéreuses, tout comme le logement, et le système de retraite est embryonnaire. Les couples d’actifs doivent donc fortement épargner pour pourvoir à leurs propres besoins et ceux d’un enfant ainsi que bien souvent aux besoins de leurs parents. La dégradation du contexte économique en Chine et la grande incertitude qui règne depuis trois ans en raison de la politique « zéro Covid », ont semble-t-il aggravé cet état de fait.

Cette baisse peut-elle avoir des conséquences à court terme sur l'économie chinoise qui pâtit déjà d'un fort ralentissement ?

Le recul de la population chinoise en 2022 annonce une nouvelle accélération du vieillissement de la population que l’on constate déjà depuis plusieurs années. Il y aura mécaniquement des effets sur l’économique chinoise, dont certains se font d’ores et déjà ressentir. D’abord, le coût de la main d’œuvre augmente rendant la Chine beaucoup moins compétitive que par le passé pour la production manufacturière. Or, les tentatives depuis 20 ans de passer d’une économie basée sur les exportations à une économie basée sur les services ont jusque-là échoué. Le secteur de l’immobilier, qui menace déjà de s’effondrer depuis deux ans, voit ses perspectives de croissance encore contrariées dans un pays où la population décroit. Enfin, l’augmentation de la tranche des plus de 60 ans, qui représentera plus d’un tiers de la population totale avant la fin de la décennie, pose la question de la prise en charge et de la protection des aînés, a fortiori dans un pays de culture confucéenne.

Cela nous conduit aux conséquences politiques et sociales auxquelles peut conduire se retournement démographique. Si le Parti communiste n’était plus en mesure de remplir sa part du contrat social – assurer la prospérité et la sécurité de la population –, la société pourrait alors remettre en question la légitimité du Parti pour gouverner seul le pays. La faiblesse des réformes engagées démontre pour le moment un manque de prise au sérieux du problème et d’identification de ses causes.

Cette baisse pourrait-elle marquer le début du déclin de la Chine ? La Chine risque-t-elle de se faire rattraper par l'Inde ?

Il est trop tôt pour parler de déclin chinois. On peut en tout cas dire que l’âge d’or de l’économie chinoise, entre les années 1980 et 2010, s’est désormais refermé et que les défis nombreux et colossaux s’amoncèlent pour le gouvernement dans les années à venir.

L’Inde a elle-même de grands défis intérieurs à relever en matière de développement qui nécessiteront encore de nombreuses années pour être réglés. Sur le plan de la démographie en revanche, l’Inde dépassera assurément la Chine dans les prochaines années.

>> Retrouver l'entretien sur le site Le Figaro.

 

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démographie Chine