11
oct
2022
Espace Média L'Ifri dans les médias
2022, l'invasion russe de l'Ukraine et les destructions qu'elle engendre
Dimitri MINIC, cité par Lucile Descamps dans Le Parisien

Guerre en Ukraine : Sergueï Sourovikine, un dur connu pour sa brutalité, à la tête de l’offensive russe

Samedi, Moscou a officialisé la nomination de Sergueï Sourovikine à la tête de « l’opération militaire spéciale ». Depuis juin, celui qui est réputé pour sa cruauté commandait les forces « Sud » en Ukraine.

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Son nom est désormais sur toutes les lèvres quand il s’agit d’évoquer l’armée russe. Ce samedi, après l’impressionnante explosion sur le pont reliant la Crimée à la Russie — et, plus largement, toute une série de défaites sur le terrain pour les troupes de Poutine —, Moscou a nommé un nouveau chef de « l’opération militaire spéciale » menée en Ukraine : Sergueï Sourovikine. Depuis juin, ce quinquagénaire était déjà commandant des forces armées du sud de l’Ukraine, où il a notamment contribué à la prise de la ville de Lyssytchansk. Il a, avant cela, dirigé la Direction principale des opérations de l’État-major général de 2008 à 2010 puis est devenu chef des forces aérospatiales en 2017.

Tadjikistan, Tchétchénie, Syrie

Avec des tels postes, ses faits d’armes ne se résument bien sûr pas à l’Ukraine.

« Il a notamment servi au Tadjikistan dans les années 1990 puis en Tchétchénie », énumère Dimitri Minic, docteur en histoire des relations internationales et chercheur au centre Russie/NEI de l’Ifri (Institut français des relations internationales). En 2017, il a dirigé le contingent russe envoyé en Syrie, où il s’est « illustré par une brutalité et une violation répétée des droits de l’homme, par des bombardements de zones résidentielles et d’infrastructures civiles », poursuit le spécialiste. De quoi lui valoir le titre de « héros de la Russie » la même année. 

Il est très probable que Sergueï Sourovikine ait mis les pieds en Ukraine avant l’invasion du 24 février.

« On pense qu’il a été impliqué dans la subversion et l’invasion tacite du Donbass par les forces russes en 2014 quand il commandait les troupes du District militaire oriental », note le spécialiste. 

Au-delà de ses méthodes décriées, Sergueï Sourovikine a un passé trouble vis-à-vis du pouvoir. Comme de nombreux membres de l’armée, il a été impliqué dans une tentative de putsch — qui a coûté la vie à trois civils — en 1991, retrace Dimitri Minic.

« Beaucoup ont été amnistiés dans un esprit de réconciliation », détaille le spécialiste.

Mais il est tout de même passé par la case prison avant d’être lavé des accusations qui pesaient sur lui. Balayées, aussi, les accusations de corruption qui pèsent contre lui.

« Le problème est endémique en Russie. Et s’il fallait stopper la carrière de tous ceux qui s’en sont rendus coupables, le pays fonctionnerait probablement encore moins bien », souligne Dimitri Minic. 

Satisfaire les nationalistes et les partisans de la guerre totale 

Preuve que Moscou est fier de son choix, la nomination de Sergueï Sourovikine à la tête de l’opération spéciale a été rendue publique sur Telegram, contrairement à celle de son prédécesseur. Sans doute l’occasion de faire passer un message.

La « cruauté » du nouveau commandant de l’opération spéciale « plaît nécessairement » à des figures comme le président tchétchène, Ramzan Kadyrov, ou le fondateur du groupe paramilitaire Wagner, Evgueni Prigojine, estime de son côté Dimitri Minic. 

Ça donne aussi, plus largement, « satisfaction à l’extrême droite nationaliste, qui pense que le pouvoir est trop mou », note Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques). Les partisans de la guerre totale voient en Sergueï Sourovikine le moyen d’assouvir leur soif de vengeance et de conquête. Avec ce choix, le pouvoir russe s’adresse à sa population. « Il s’agit de montrer à l’opinion publique que Moscou fait ce qu’il faut pour avoir des personnes compétentes à la tête des opérations, et de dire à l’armée qu’elle va être menée à la victoire », juge Jean de Gliniasty.

Reste qu’avant d’en arriver là, c’est plutôt aux défaites que risque d’être confronté Sergueï Sourovikine.

« On peut analyser sa nomination comme la création d’un paratonnerre pour le Kremlin, en prévision de l’annonce prochaine probable du retrait des troupes russes de Kherson, si Moscou veut éviter l’encerclement, le siège, la reddition ou l’anéantissement de ses troupes dans la zone », conclut Dimitri Minic. 

 

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