27
jan
2017
Espace Média L'Ifri dans les médias
Laurence NARDON, interview parue dans La Dépêche

Laurence Nardon : « Le président Trump est à la fois effrayant et ridicule »

Depuis une semaine, Donald Trump met ses promesses en application, pouvait-on s'y attendre ?

Beaucoup espéraient qu'il ne passerait pas à l'action. En effet, il avait des propos contradictoires comme sur le mur qui d'abord devait longer toute la frontière États-Unis/Mexique, puis qui finalement ne serait que clôture sur certaines parcelles. Mais ceux qui le connaissent mieux savaient. Il est narcissique, richissime et a l'habitude de faire tout ce qu'il veut. C'est ce qu'il fait en ce moment. Toutefois, cette avalanche de décrets relève plus du show off, du spectacle, que d'une véritable politique.

Quel est le poids de ses premières décisions ?

Un décret a bien moins de pouvoir qu'une loi votée par le Congrès donc il faut minimiser l'impact de ses décisions. Par exemple, le décret qu'il a pris concernant le mur États-Unis/Mexique ne suffit pas pour débloquer des fonds fédéraux pour sa construction. De plus, beaucoup de sénateurs et membres de la chambre des représentants, y compris républicains, et même certains de ses conseillers personnels, sont en désaccord avec lui sur des thématiques, notamment comme le nucléaire Iranien. Dans ces circonstances, il ne sera pas facile pour le nouveau président de faire voter des lois au Congrès. Par ailleurs, pour savoir de quoi Donald Trump est réellement capable, il faut attendre son premier véritable obstacle. Par exemple, le transfert de l'ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem (Israël) qu'il avait promis s'avère déjà beaucoup plus compliqué que prévu.

Le nouveau président américain cherche-t-il à affaiblir l'Europe ?

Avec une vision très nationaliste, il a prôné pendant toute sa campagne un repli des États-Unis sur eux-mêmes. Cela est plutôt bienvenu concernant certaines régions comme le Moyen-Orient où, on peut le dire, les États-Unis se sont trop investis. Mais, avec son agressivité caractéristique, il suggère la même chose pour les pays européens. Pour lui, l'Union européenne est un ensemble archaïque qui affaiblit les états par une politique d'austérité. Il est pour le retour des frontières et des nations individuelles donc, forcément, il est contre notre système européen. C'est le premier président américain qui appelle activement à la dissolution de l'Union européenne.

Pensez-vous que le gouvernement qu'il a constitué (les membres de son cabinet) est viable pour les quatre années à venir ?

Donald Trump, fervent défenseur des classes moyennes, a choisi des républicains très conservateurs qui sont plus favorables aux élites. Ce genre de divergence d'opinions peut provoquer des vagues. En outre, le nouveau président adore les drames personnels, les gens qui partent en claquant la porte, comme dans son émission de téléréalité The Apprentice. Pendant la campagne et même après son élection, il y a eu beaucoup de démissions et d'arrivées dans son entourage professionnel. On peut penser qu'une telle instabilité n'est pas de bon augure pour les quatre ans à venir.

Qu'est-ce qui vous frappe le plus dans son comportement depuis son investiture ?

D'une part, il met en route son projet populiste de manière violente. Sa stratégie paraît construite, cohérente et affirmée. Mais dans le même temps, on voit une sorte de délire dans la forme. Il tweete toutes les cinq minutes des propos extrêmes comme un enfant de CM2. C'est très déroutant. Il se comporte vraiment de manière paradoxale. À 70 ans, il est puéril quand il relance la polémique sur le nombre de personnes présentes à son investiture ou quand il affirme que 3 à 5 millions de personnes auraient voté illégalement pour Hillary Clinton en novembre. Il est ridicule et effrayant tout à la fois. Cela entretient mes inquiétudes pour la suite.

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