16
jan
2018
Espace Média L'Ifri dans les médias
Marc-Antoine EYL-MAZZEGA, cité par Vincent Collen dans les Echos.fr

L'Europe toujours plus dépendante du gaz russe

Les exportations de Gazprom vers l'Europe ont battu un nouveau record. Un paradoxe alors que l'UE cherche à réduire sa dépendance énergétique vis-à-vis de Moscou.

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C'est un paradoxe embarrassant pour l'Europe. Alors que l'Union Européenne cherche à sanctionner Moscou depuis l'annexion de la Crimée en 2014, le Vieux Continent achète de plus en plus de gaz russe. Les pays européens et la Turquie en ont importé 194 milliards de mètres cubes l'an dernier, a annoncé Gazprom la semaine dernière. C'est 8 % de plus qu'en 2016, qui était déjà une année record. Le premier groupe gazier mondial, proche du Kremlin, détient le monopole des exportations de gaz russe par pipeline vers l'Europe.

La demande a atteint de nouveaux sommets en Allemagne et en Autriche, deux pays très dépendants du gaz russe. Même en France, dont l'approvisionnement est plus diversifié, les achats à Gazprom ont bondi de près de 7 %. Une conséquence de la fermeture de plusieurs centrales nucléaires, compensée par une hausse de la production des centrales à gaz pour générer de l'électricité.

Nouvelle hausse en 2018

D'une façon générale, la reprise économique en Europe explique cette forte hausse, de même que des prix particulièrement compétitifs. L'UE doit également faire face au tarissement progressif des réserves de gaz des Pays-Bas.

Résultat, le gaz russe n'a jamais été aussi dominant. Sa part de marché dépasse désormais 35 % dans l'Union européenne, selon Thierry Bros, de l'Oxford Institute for Energy Studies, qui prévoit une nouvelle hausse en 2018 alors que la production norvégienne atteint elle aussi un pic.

Réserves sans équivalent

Gazprom capitalise sur ses réserves sans équivalent pour accroître sa domination. « Les capacités non utilisées sont énormes, proches de 100 milliards de mètres cubes. Gazprom peut augmenter sa production à tout moment comme il l'a montré en 2016 et 2017 », explique Thierry Bros. En poursuivant sa politique de prix bas, le groupe russe préserve ses parts de marché face à la concurrence du gaz de schiste américain, qui commence à être livré en Europe sous forme liquéfiée.

L'essentiel des investissements étant déjà réalisés, ces revenus supplémentaires ont un effet de levier sur les bénéfices, d'autant que les ventes à l'étranger sont beaucoup plus intéressantes pour Gazprom que sur le marché russe, où les prix sont régulés.

Dépolitisation

Comment réagit l'Europe face à cette domination renforcée ? « Hormis la Pologne qui poursuit une diversification à marche forcée, et certains pays Baltes, elle ne réagit pas vraiment. On peut y voir le début d'une dépolitisation de la question du gaz russe », avance Marc-Antoine Eyl-Mazzega, de l'Institut français des relations internationales (Ifri).

Le gaz russe est bon marché et l'intérêt économique prime. « C'est un point crucial pour la compétitivité de l'industrie européenne », souligne le même expert.

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Position dominante

Le marché européen n'est pas encore devenu un boulevard pour Gazprom cependant. Une enquête de la Commission de Bruxelles sur la position dominante du groupe russe est en cours. Et le projet de gazoduc Nord Stream 2, qui doit augmenter les capacités d'acheminement via la mer Baltique, suscite l'opposition de plusieurs pays, dont la Pologne et le Danemark .

Enfin le monopole de Gazprom sur le gaz russe exporté vers l'Europe touche à sa fin. Le mois dernier, son compatriote  Novatek a mis en service un  site de production géant de gaz naturel liquéfié (GNL) sur la péninsule de Yamal , en Sibérie, un projet dont le français Total est partenaire. Les premières livraisons sont arrivées par navire méthanier dans les ports européens.

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