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avr
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Camion obusier CAESAR de l'armée française au salon du Bourget. France - 22 juin 2017
Léo PÉRIA-PEIGNÉ, cité par l'AFP

La livraison d’armes lourdes à Kiev, un défi logistique en deux temps

Formation, munitions, maintenance: l’envoi d’armes lourdes par des pays de l’OTAN à l’Ukraine pour l’épauler face à l’offensive militaire russe fait figure de défi logistique, sur le papier mesuré, mais qui pourrait, si le conflit s’éternise, atteindre ses limites, estiment des spécialistes.
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Emboîtant le pas à la France, à la Grande-Bretagne, aux États-Unis ou encore à la République tchèque, l’Allemagne a annoncé mardi qu’elle allait autoriser la livraison de blindés de type «Guepard» à l’Ukraine, confrontée à une offensive de la Russie depuis le 24 février.

Réclamée de longue date par Kiev, cette aide militaire se concrétise au moment où les forces ukrainiennes font face à une lente progression de l’armée russe dans le Donbass, dans l’est, et dans le sud du pays.

  • Dans ce contexte, l’envoi « d’artillerie automotrice, de chars de combat et de blindés est à même de donner un «punch» considérable aux forces ukrainiennes, voire de rétablir certaines capacités amoindries par deux mois de guerre », souligne Léo Péria-Peigné, de l’Institut français des relations internationales (Ifri).
  • Cet «apport capacitaire de court terme l’emporte» à ce stade « sur les considérations logistiques de moyen terme, qu’il faudra néanmoins poser », ajoute le chercheur.

Pour l’heure, ces dernières semblent assez mesurées.

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Caesar «simples d’emploi»

Dans le détail, les canons Caesar français sont réputés pour être « simples d’emploi », relève Marc Chassillan, ingénieur militaire français. « On peut comprendre comment ils fonctionnent en une matinée. »

La situation est un peu plus complexe, en revanche, concernant les Guepards allemands, dotés d’un « système d’arme sophistiqué » et « très exigeants » qui requiert une formation d’au moins « plusieurs semaines », ajoute ce spécialiste des chars et blindés. L’envoi de blindés allemands Marder, également envisagé, ne devrait lui pas trop poser de problème.

Sans surprise, les Occidentaux ont écarté les équipements nécessitant plusieurs mois de formation et un soutien logistique énorme à l’image des chars Abrams américains - peu soutenables.

Le deuxième point important, décrypte la source française, c’est la « soutenabilité »: « ai-je les munitions et les pièces de rechange pour m’en servir assez longtemps, la ressource humaine et les installations logistiques pour entretenir ? ».

  • Pour M. Péria-Peigné, la question logistique « est complexe, mais peut-être moins que dans d’autres pays n’étant pas dotés du potentiel industriel de l’Ukraine qui dispose d’infrastructures et d’un savoir-faire non négligeable en matière de véhicules militaires et d’industrie lourde ».
  • « Si la coopération entre industriels européens et militaires ukrainiens se déroule sans heurt, la question de l’entretien devrait suivre sans obstacle particulier », ajoute-t-il.

Pour Carlo Masala, expert en défense à l’Université de la Bundeswehr de Munich, la question de la maintenance ne doit pas entrer dans l’équation immédiate: « Si (les Ukrainiens) peuvent utiliser le Marder pendant trois semaines, c’est mieux que rien », a-t-il déclaré sur la chaîne allemande Deutsche Welle.

Pénurie de munitions?

Reste l’épineuse question des munitions qui pourrait se révéler handicapante en cas d’enlisement du conflit.

« S’il se prolonge, le risque d’une pénurie de munitions n’est pas exclu, notamment concernant les canons Caesar », note ainsi Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).

L’annonce par l’Australie, le Canada et les États-Unis de l’envoi de pièces de 155 mm - du même calibre que les Caesar -  pourrait toutefois permettre de mutualiser le stock entre équipements au standard OTAN.

La question se pose également pour les Marder qui dépendent de munitions produites en Suisse. Or, cette dernière a opposé son veto à l’envoi de munitions helvétiques à Kiev via l’Allemagne.

  • « Une impasse logistique » « bien plus dangereuse à court terme que la question des pièces détachées », pour M. Péria-Peigné.

Enfin, se pose le problème de la « combinaison » de ces équipements, pointe la source française. « Quand, dans une unité d’artillerie, vous avez des matériels d’origine russe, américaine, allemande, etc., c’est compliqué à faire manoeuvrer tout ça » en même temps.

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