23
avr
2021
Espace Média L'Ifri dans les médias
Florian VIDAL, cité par Sébastien Seibt sur France 24

Pourquoi la Russie veut quitter l’ISS pour construire sa propre station spatiale

L’annonce par Moscou, mercredi, de son intention de lancer son propre projet de station spatiale a fait sensation. Mais il ne faut pas y voir seulement l'expression, dans l'espace, des tensions sur Terre entre la Russie et l'Occident.

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La Russie a annoncé mercredi qu’elle se retirerait de ce vaste programme de collaboration scientifique en 2025. Dans la foulée, elle construira sa propre station spatiale, avec pour objectif de la mettre en orbite en 2030, a précisé le porte-parole de Roscosmos, l’agence spatiale russe.

Difficile de ne pas y voir l’extension du domaine des tensions entre la Russie et l’Occident à l’espace. L’ISS résistait à toutes les turpitudes des relations américano-russes depuis sa naissance en 1998 et représentait un symbole de la collaboration possible entre les grandes puissances.

L’ISS arrive, en effet, en fin de vie. Théoriquement, le programme devrait s’achever en 2025, et même s’il était encore prolongé de quelques années.

Pendant des années, la fusée russe Soyouz avait le monopole des vols habités vers l’ISS et faisait payer le voyage. Mais ce n’est plus le cas, comme l’illustre la mission à laquelle participe Thomas Pesquet… Le spationaute français et ses coéquipiers se sont envolés à bord d’un engin construit par SpaceX, la société américaine du milliardaire Elon Musk. Une évolution qui rend beaucoup moins intéressante la participation russe au programme associé à l’ISS. Mais pourquoi ajouter à l’annonce du retrait celle de la construction d’une nouvelle station spatiale russe ?

Florian Vidal, chercheur à l’Ifri et auteur d’une note sur la politique spatiale russe parue en janvier 2021, contacté par France 24, confirme :

Il y a de moins en moins de programmes internationaux dans l’espace auxquels la Russie est associée en tant que partenaire majeur et on parle essentiellement des projets américains ou chinois.

Pour Moscou, c’est inacceptable. L’espace joue en effet un rôle politique majeur pour le président russe Vladimir Poutine.

Florian Vidal analyse :

C’est essentiel dans le récit que le pouvoir russe a mis en place. L’exaltation de la puissance spatiale titille la corde de la nostalgie de l’ère soviétique, quand le pays était à la pointe dans le domaine. À ce titre, la présence russe dans l’espace participe à un effort plus général de Vladimir Poutine visant à inscrire son action dans la continuité de cette époque.

Mais ce n’est pas qu’une question de prestige. Le chercheur affirme :

Face au soft power américain et l’utilisation par la Chine de sa puissance économique pour étendre sa sphère d’influence, la Russie mise sur l’espace comme arme diplomatique.

Et une station spatiale "made in Russia" pourrait être une carte intéressante à jouer. Florian Vidal détaille :

Moscou pourrait s’en servir comme d’une main tendue vers certains pays qui n’ont pas les moyens financiers d’avoir des ambitions spatiales – comme la Corée du Nord ou certains pays d'Amérique du Sud – pour leur proposer une collaboration scientifique au sein de cette station spatiale.

La Russie a déjà un important module en chantier qui devait initialement être rattaché à l’ISS, mais qui pourrait, dorénavant, servir pour la nouvelle station spatiale. Mais tout le programme spatial russe ne tourne pas autour de ce projet. Les trois priorités russes à l’heure actuelle sont d’achever le cosmodrome de Vostochny, introduire une nouvelle génération de lanceurs et renforcer la constellation de satellites, détaille Florian Vidal dans sa note pour l’Ifri. Il risque d’y avoir des arbitrages budgétaires difficiles à faire pour un pays soumis à d’importantes sanctions économiques depuis 2014 qui pèsent sur ses finances.

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