20
sep
2018
Espace Média L'Ifri dans les médias
Thierry de MONTBRIAL, interviewé par Mohamed Ali Mrabi pour L'Economiste, Maroc

Thierry de Montbrial alerte sur le surendettement de l’Afrique

Le président de l’IFRI a mis en garde contre les risques des financements chinois.  « Même sans aller jusqu’à détruire les institutions multilatérales, le fait que les Etats-Unis optent pour une conception aussi étroite de l’intérêt national, est quelque chose de particulièrement dangereux. Et cela fait le jeu de la Chine ».

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L’Economiste: La Chine veut renforcer sa présence en Afrique notamment via une coopération triangulaire impliquant le Maroc. Comment pourrait évoluer cette stratégie?

Thierry de Montbrial : La Chine a été historiquement très active en Afrique. Mais si j’étais africain, en admettant que je ne sois pas trop séduit par les charmes chinois, je serais extrêmement prudent. Nous sommes en train de constater une accumulation de dettes au niveau du continent. Les Africains sont en train de s’endetter massivement vis-à-vis de la Chine. Ce qui les met entre leurs mains. Là encore, il y a un problème d’arbitrage entre le court terme et le long terme.
 

Le rapport Ramses 2019 insiste sur les défis démographiques. Est-ce que le Maroc est préparé pour tirer profit de ce potentiel ?

Le Maroc est un vrai Etat-nation. C’est l’un des rares pays en Afrique qui peut avoir une vision à long terme. Mais je ne peux pas me prononcer sur les détails. C’est un sujet important qui mérite de se pencher dessus. Une chose est sûre, le Maroc dispose des deux aspects liés à la légitimité et à l’efficacité, à travers la monarchie.
 

Comment la confrontation entre les Etats-Unis et la Chine va-t-elle impacter les marchés internationaux ?

Il y a le risque qu’il y ait une panique des marchés à un certain moment. Ce qui les entraîne dans une spirale négative. Cela concerne particulièrement les pays émergents. Le pari, c’est qu’il y ait finalement un accord qui permettrait à Trump d’afficher des résultats et permettrait aussi à la Chine de sauver la face. Dans cette hypothèse, il faudra déterminer dans quels marchés les Chinois vont-ils chercher à déverser les flux qu’ils perdront du côté américain. La situation est compliquée pour l’Europe, parce qu’elle est poreuse et n’est pas organisée pour faire face à ce genre de choses. Il est certain que les Etats-Unis prennent beaucoup de risques et jouent avec le feu, même si jusqu’à présent, Trump n’est pas allé jusqu’à la destruction des institutions multilatérales. Ce qui est grave, parce que les Etats-Unis ont participé à la construction de cet ordre. Même sans explicitement détruire ces institutions, le fait qu’ils jouent un rôle selon une conception aussi étroite de l’intérêt national, est quelque chose de particulièrement dangereux. Et cela fait le jeu de la Chine. Ce qui me paraît frappant, c’est que Trump est dépourvu de toute vision. Il veut des résultats immédiats.

 

Interview parue dans L'Economiste, Maroc

 

 

Mots-clés
Gouvernance mondiale