15
sep
2022
Espace Média L'Ifri dans les médias
Marc JULIENNE, cité par Véronique Kiesel dans Le Soir

Une Chine qui se referme et s'isole

Le 16 octobre s’ouvrira le vingtième Congrès du Parti communiste chinois, qui devrait confirmer, de façon exceptionnelle, Xi Jinping pour un troisième mandat. Mais, entre covid, crise immobilière et tensions avec l’Occident, cette Chine qu’il dirige d’une main de fer se referme sur elle-même. Et ne semble pas en grande forme.

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Vous ne pouvez pas descendre ! » C’était la semaine dernière à Chengdu, capitale du Sichuan, ébranlée par un tremblement de terre. Les occupants d’un immeuble étaient empêchés de fuir par un gestionnaire qui entendait appliquer strictement le confinement exigé dans le cadre de la politique zéro covid.

Il y a quelques mois, à Shanghai, on avait déjà vu des « gardes blancs », version covid des gardes rouges maoïstes, ériger des barrières en rue pour être sûrs que les résidents ne sortent pas : impossible dès lors pour les pompiers d’intervenir lors d’un incendie… Ces abus en matière d’enfermement sont la pointe la plus absurde de la politique zéro covid décidée il y a deux ans et demi par le pouvoir chinois et maintenue, quoi qu’il en coûte, par le président Xi Jinping.

« Il est vrai qu’elle avait permis, au printemps 2020, à la Chine de se déconfiner alors que le reste du monde se barricadait », rappelle Marc Julienne, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri) (Paris). « Son industrie redémarrait, et la Chine vantait son système de gestion de crise sanitaire, plus performant que celui des vieilles démocraties. Aujourd’hui, l’ensemble de la planète vit avec cette pandémie grâce à des vaccins à ARN messager et à des systèmes de santé et de sécurité sociale efficaces tandis qu’en Chine, plusieurs dizaines de millions de personnes sont confinées… »

Même si à peine un millier de nouveaux cas de covid sont recensés par jour, la liste des villes affectées ne cesse de s’allonger. Et gare à ceux qui se fâchent parce que, bloqués chez eux, ils n’ont plus grand-chose à manger ou n’ont plus accès aux soins médicaux. Sur Weibo, le hashtag Chengdu Lockdown a d’ailleurs été censuré.

Ces confinements ont aussi mis à l’arrêt les usines et interrompu déplacements et livraisons à l’intérieur de la Chine. Tout cela va affecter cette année la croissance du PIB chinois : au lieu des 5,5 % prévus, elle pourrait n’être que de 3,5 à 4 %, nettement insuffisant pour lutter contre la pauvreté, un des grands objectifs de Xi Jinping. Et cela ne permettra pas non plus de relancer la consommation interne, une des clés qui permettraient à l’économie chinoise d’être moins dépendante de ses exportations.

Une population en déclin

« Depuis au moins une vingtaine d’années, les autorités centrales tentent en effet d’inciter les Chinois à moins épargner et à consommer plus, pour que l’argent circule », reprend Marc Julienne. «Mais en l’absence d’un système correct de sécurité sociale, et notamment de retraite, alors que la vie – logement et éducation – coûte de plus en plus cher, les Chinois épargnent toujours. Pour payer leurs soins de santé, soutenir leurs parents. Et cela ne va pas s’améliorer alors que le vieillissement de la population s’accélère. »

Cette année en effet, pour la première fois, la population chinoise a non seulement cessé de croître, mais elle a même diminué alors que ce pic n’était attendu qu’en 2030.

« Or », poursuit-il, « la Chine était devenue une grande puissance productrice parce qu’elle avait une population nombreuse, jeune et bon marché. Elle est donc en train de perdre son avantage comparatif. Ajoutez-y les effets du zéro covid et vous voyez certaines entreprises industrielles qui ont déjà commencé à quitter la Chine pour le Vietnam, le Bangladesh ou les Philippines, voire l’Amérique du Nord ou l’Europe. »

La fermeture quasi hermétique des frontières chinoises en raison du covid est en effet un casse-tête pour les firmes occidentales installées en Chine.« Leurs chaînes d’approvisionnement sont perturbées mais, en plus, elles n’arrivent plus à recruter des expatriés. Qui a envie de s’installer en Chine alors qu’il risque d’être enfermé, interdit de sortir du territoire ? », explique un diplomate occidental en poste à Pékin. « Elles sont donc obligées d’engager des cadres locaux et deviennent de plus en plus chinoises. La pression pour obtenir des transferts de technologie forcés augmente et de nombreux CEO se demandent combien de temps ils pourront encore rapatrier leurs bénéfices… » A la veille de la pandémie, beaucoup voyaient la Chine comme le territoire où il fallait absolument être si on voulait se développer. Ainsi, la dernière mission du commerce extérieur belge, fin 2019, avait réuni 600 participants, un record !

Une perte d’attractivité

« Pendant plusieurs décennies, les autorités chinoises ont ouvert les vannes de l’investissement dans l’immobilier : une sorte d’eldorado où tout investisseur plaçait son argent, même les petits épargnants qui achetaient sur plan et prépayaient », décode Marc Julienne. « Les investisseurs s’en détournent désormais : les promoteurs n’ont donc plus les moyens de terminer des immeubles déjà vendus. C’est un problème à la fois économique et social, qui provoque une contestation forte.»

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« Quand Mao dirigeait la Chine, l’idéologie primait sur tout : il n’y a pas eu de développement économique mais, au contraire, des ravages désastreux », décode le chercheur de l’Ifri. « A sa mort, Deng Xiaoping a modifié cet arbitrage et fait primer le pragmatisme économique sur l’idéologie. Cela a permis le décollage économique de la Chine et son ouverture au monde. Mais avec Xi Jinping, l’idéologie a été remise au premier plan. Et tant pis si cela nuit à l’économie… »

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