Publié le 26/05/2015

Emma BROUGHTON

Les résultats d'une étude sur l'impact des politiques d'immigration sur les pratiques de recrutement de travailleurs étrangers en France.

Au début des années 2000, les défis démographiques, les pénuries de main d’œuvre dans certains secteurs de l’économie et l’émergence de mouvements d’étrangers en situation irrégulière ont forcé à réévaluer la politique d’immigration professionnelle. La notion d’une politique d’immigration « choisie » voit le jour afin d’attirer les migrants les plus qualifiés dont l’économie française a besoin. Si la formule est abandonnée après l’élection présidentielle de 2012, l’objectif d’une politique migratoire axée sur l’« attractivité de notre territoire », associé à la « lutte contre l’immigration irrégulière », est conservé. Alors que cette politique a pour objectif de répondre aux besoins des entreprises françaises dans une économie mondialisée et compétitive, celles-ci n’ont été qu’accessoirement impliquées dans les débats et consultées dans la mise en œuvre de ces nouvelles orientations.

Dans certains secteurs économiques et pour certaines entreprises, les besoins en termes de recrutement peuvent concerner une nationalité particulière, par exemple parce qu’un projet exige des compétences techniques ou linguistiques spécifiques, ou simplement lorsque le candidat le plus compétent est de nationalité étrangère. En pratique, ce type de recrutement est plus complexe à mettre en œuvre qu’un recrutement d’un candidat français ou étranger déjà autorisé à travailler sur le territoire.

Les procédures à suivre sont complexes pour des personnes non expertes des règles de l’immigration et les informations sur ces procédures sont difficilement accessibles. Ces procédures prennent du temps, d’une part parce qu’elles exigent des actions supplémentaires de la part des personnes en charge du recrutement ; d’autre part, parce que le traitement du dossier par les autorités administratives est relativement long. En outre, l’issue de la procédure de recrutement d’un travailleur étranger n’est pas prévisible non plus. Une fois les travailleurs étrangers recrutés, leur situation administrative peut poser problème dans l’entreprise. Ils doivent renouveler régulièrement (en général une fois par an) leur titre de séjour, ce qui implique des absences parfois fréquentes du lieu de travail. Dans certains cas, le renouvellement peut être retardé ou refusé, ce qui interrompt l’activité professionnelle du salarié.

Ces difficultés sont aggravées par le fait qu’elles ne peuvent pas être aisément prévues dans le cadre de procédures internes. Les règles qui encadrent l’entrée et le séjour de travailleurs étrangers changent fréquemment, et de nombreux paramètres ne peuvent être anticipés, comme le délai de traitement du dossier de demande d’introduction par les autorités administratives ou la réponse rendue concernant cette demande.

Du fait de ces problèmes, les objectifs de recrutement des entreprises peuvent souvent ne pas être atteints – ou du moins pas de façon satisfaisante – lorsqu’il s’agit de recruter ou de faire travailler des travailleurs de nationalité étrangère : les équipes ne sont pas toujours en mesure de recruter les compétences nécessaires dans un délai satisfaisant. Les personnes interrogées dans le cadre de cette étude soulignent ainsi combien un recrutement inefficace ou approximatif est un obstacle pour la performance économique d’une entreprise et pour sa compétitivité.