Publié le 09/12/2015

Nele Katharina WISSMANN

Le 31 décembre 2015 Mein Kampf, rédigé par Adolf Hitler dans les années 1920, tombera dans le domaine public. Les droits d’auteur appartenaient jusqu’ici à l’Etat libre de Bavière, qui en a hérité après la disparition d’Hitler en 1945. Toute réimpression était donc jusqu’ici impossible pour des raisons juridiques. 

Les débats qui se sont développés en Allemagne autour de l’interdiction de l’ouvrage, de reproductions, ou de la publication de versions commentées par des historiens témoignent de la force politique que possède encore Mein Kampf, 70 ans après la mort d’Adolf Hitler. Quasiment aucun autre livre n’est autant chargé de mythes, et ne suscite autant à la fois rejet et curiosité.

En dépit des diverses possibilités d’accès à Mein Kampf déjà existantes, le débat sur la réédition en allemand n’est pas à prendre à la légère. Le défi est, en Allemagne, spécifique, va être observé dans le détail par l’opinion internationale et sera éloquent sur le travail de mémoire allemand, précisément en 2015, année de commémoration.

Au demeurant, il ne s’agit pas d’un problème seulement allemand. Les versions traduites actuellement en circulation peuvent en effet être utilisées à des fins particulières. On peut par exemple porter un regard critique sur Kavgam, la traduction turque de Mein Kampf, mise sur le marché quasi-simultanément par 15 maisons d’édition fin 2004, et qui a atteint la troisième place sur la liste des bestsellers de la chaîne de librairies turque D&R en mars 2007. Certes, les Turcs s’intéressent de plus en plus aux deux guerres mondiales ; mais jouent aussi sûrement un nationalisme exacerbé et une large ouverture aux théories du complot.

Un texte pas si inaccessible

Le débat sur la réédition peut, à première vue, sembler obsolète. Le texte peut être acheté dans les librairies d’occasion, même si c’est en sous-main : son acquisition n’est pas interdite, la Cour fédérale de justice ayant décidé en 1979 que la possession, la vente et l’achat d’exemplaires d’occasion de cet ouvrage n’étaient pas punissables en Allemagne. Le livre est antérieure à la création de la République fédérale en 1949, et ne peut donc être considéré comme une atteinte à l’ordre juridique ou à la constitution : il s’agit d’un écrit pré-constitutionnel.

Mentionnons également les éditions légalement imprimées en anglais. Le livre continue à être légalement publié en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, l’éditeur allemand original ayant vendu les droits pour la version anglaise dans les années 1930. Random House profite donc en l’occurrence d’une sorte de vide juridique – en faisant don de ses recettes...

Par ailleurs, les documents originaux scannés via internet sont de plus en plus utilisés comme sources de référence. Il est important de noter ici que Mein Kampf avait déjà été traduit dans les années 30 et diffusé à l’étranger « à des fins éducatives », parfois sans autorisation comme en France. Les « Nouvelles Editions Latines » (NEL) ont été les premières à le diffuser en 1934 ; il s’agissait alors d’une édition pirate, diffusée par l’extrême droite française en guise d’avertissement... En 1938 était publiée chez Fayard une édition autorisée par Hitler, et dont de nombreux passages avaient été modifiés. La haine anti-française de la version d’origine se transformait en plaidoyer pour le rapprochement franco-allemand. 

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