Publié le 03/02/2017

Thierry VIRCOULON

L’islam en République démocratique du Congo (RDC) n’a eu qu’une présence marginale et périphérique et a été un non sujet jusqu’à une date très récente. Le caractère ultra-minoritaire des musulmans dans un pays qui est, depuis la colonisation belge, une terre de compétition entre les diverses tendances du christianisme et leurs hybridations locales rendait impossible l’émergence d’une « question musulmane » dans cette partie du monde. 

La présence de musulmans dans la société congolaise n’a jamais véritablement fait débat au point que le dernier véritable héros congolais, le colonel Mamadou Ndala, « tombeur » du M23, était musulman. Son assassinat en 2014 a suscité une émotion nationale et il a reçu les honneurs militaires à titre posthume.

Cependant, depuis 2014, la crainte de l’implantation d’un islam radical et violent se manifeste en RDC. Cette crainte relève du contexte international – l’Afrique étant une des zones d’expansion du djihadisme – mais aussi d’une réalité locale particulièrement violente : les tueries répétitives d’un groupe armé islamiste radical dans l’Est de la RDC, les Forces démocratiques alliées (ADF). Alors qu’il n’y a pas de tradition d’un islam revendicatif ou radical en RDC, les ADF constituent une anomalie mystérieuse. L’étrange mutation de ce qui n’était qu’un groupe armé ordinaire dans l’Est congolais en une milice de terreur depuis 2013-2014 pose de nombreuses questions et déclenche les prémices d’une stigmatisation des musulmans dans les Kivu.

Cette note met en évidence les liens complexes et étroits que les autorités congolaises ont entretenus avec des mouvements musulmans radicaux dès les années 1990 en soutenant, avec l’aide du gouvernement islamiste de Khartoum, la formation des Forces alliées démocratiques-Armée nationale de libération de l’Ouganda (ADF-Nalu) et en tolérant les activités financières du Hezbollah. Pour qui veut comprendre les manifestations de l’islam radical en RDC, le principal défi est de faire la part entre les clichés collectifs, les angoisses généralisatrices et simplificatrices et la désinformation intentionnelle. Une fois ce travail accompli, il apparaît que la menace islamiste n’est pas là où le gouvernement la dénonce, ni là où la MONUSCO la cherche.