Publié le 01/03/2017

Marlène LARUELLE

Cette note analyse le kadyrovisme au sens d’une idéologie relativement bien structurée, dotée de sa propre logique interne, de ses outils de propagande, et reflétant la réalité du pouvoir de Ramzan Kadyrov, fondé sur la soumission à Vladimir Poutine mais également mâtiné de provocations à l’encontre de la figure paternelle du président russe.

Ce kadyrovisme se définit par deux « captures » majeures : premièrement, celle du discours anticolonial tchétchène et sa transformation en une idéologie patriotique prorusse qui fait des Tchétchènes les hérauts des succès poutiniens ; deuxièmement, la capture d’un islam rigoriste, inspiré des pays du Golfe, et son hybridation avec l’islam traditionnel tchétchène. Le système Poutine n’est pas un monolithe totalitaire : de nombreux « entrepreneurs » idéologiques, disposant d’une certaine marge de manœuvre dont les limites ne sont jamais clairement explicitées, se développent dans « l’écosystème » créé par le Kremlin. Ramzan Kadyrov est l’un d’entre eux. L’édifice du kadyrovisme est donc mouvant, vacillant, comme toutes les constructions idéologiques à l’œuvre dans la Russie de Vladimir Poutine, qui rendent l’avenir du régime, comme de son idéologie, incertain.

Marlène Laruelle est professeure à l’université George Washington (Washington D.C.), directrice du Programme Asie centrale, vice-directrice de l’Institut pour les études européennes, russes et eurasiennes et co-directrice du programme PONARS-Eurasia.