Publié le 07/02/2018

Barbara KUNZ, citée par Frédéric Rohart dans L'Echo

La réforme de l’Union européenne est le premier point de l’accord de coalition allemand. Même s’il est vague, il s’apparente à une main tendue vers Emmanuel Macron. L’Europe va pouvoir avancer. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, on n’attendait qu’un accord de coalition à Berlin pour voir émerger du couple franco-allemand une ligne commune sans laquelle l’Union est toujours restée au point mort.

On connaissant déjà l’appétit du président français pour une refonte européenne, on connaît à présent l'intention allemande.

L’accord de principe entre socio-chrétiens et conservateurs allemands affiche comme premier titre “Un nouveau départ pour l’Europe”: le signal est clair, même si le chapitre est très court -cinq pages sur 177. Comme l’a résumé le chef des conservateurs au Parlement européen, l’Allemand Manfred Weber, "l'approche de la main tendue de Macron envers l'Allemagne pour commencer à construire une Europe nouvelle, forte et innovante a maintenant un partenaire à Berlin, l'Europe peut s'en réjouir".

Décalage entre Paris et Berlin

Reste à voir ce qu'on peut attendre de l'intention. "Le fait que le SPD ait obtenu les Affaires étrangères et les Finances, deux portefeuilles qui permettent de façonner l’agenda européen est significatif”, souligne Yann-Sven Rittelmeyer, analyste politique à l'European Policy Centre, un think tank indépendant présidé par l'ancien président du Conseil européen Herman Van Rompuy. “Mais il faut rester prudent sur le degré d’ambition”, ajoute-t-il. Même si Angela Merkel aura sans doute à coeur de soigner son héritage européen pour son dernier mandat.

  • “Je ne ressens pas à Berlin un enthousiasme fou pour les propositions d’Emmanuel Macron ni un vrai débat sur l’Union européenne, confirme Barbara Kunz, spécialiste des relations franco-allemandes à l’Institut français des relations internationales. Il y a un décalage entre Paris et Berlin, et il continuera d’exister. Notamment parce que les Allemands sont assez contents de l’état de la zone euro.” 

De l'euro aux migrants

L’arrivée prévue du maire socio-démocrate de Hambourg Olaf Scholz à la tête du ministère allemand des Finances annonce une rupture avec la ligne très conservatrice de Wolfgang Schäuble - l'homme qui était prêt à laisser la Grèce quitter la zone euro.

Le contrat de coalition prévoit la création d’un Fonds monétaire européen pour parer les crises et valide l’idée d’un budget d’investissement pour la zone euro. On attendra la communication commune qu’Angela Merkel et Emmanuel Macron prévoient le mois prochain pour en savoir plus sur l’avenir que le tandem est prêt à donner à la zone euro.

Autre point d’attention clé pour l’Union, la nouvelle coalition prévoit d’augmenter sa contribution au budget de l’Union européenne, au moment où se prépare une grande mise à plat sur la définition d’un cadre budgétaire amputé de la contribution britannique mais néanmoins adapté aux ambitions communautaires.

La réforme du système européen d’accueil migratoire annonce de nouveaux débats houleux avant l’été, et c’est le conservateur Horst Seehofer - qui a reçu Viktor Orban au dernier congrès de son parti, la CSU - qui le mènera pour l’Allemagne.

La nouvelle coalition pourrait en outre modifier la dynamique de débats à portée européenne comme celui des ventes d’armes à l’Arabie Saoudite - elle entend leur imposer un moratoire - ou celui du glyphosate - elle entend en interdire la vente en Allemagne.

La fenêtre se referme déjà

En tout état de cause, la fenêtre d'opportunité des réformes est courte, alors que se profile déjà la fin du mandat de la commission Juncker. “On a des raisons de penser que Berlin va s’inscrire dans une continuité par rapport à la dernière décennie, estime Charles de Marcilly, responsable du bureau bruxellois de la Fondation Robert Schuman, un think tank pro-européen de centre droit.

Mais peut-être va-t-on assister à l’ouverture d’une nouvelle phase, ajoute-t-il : “La vision socio-démocrate qu’apporte Martin Schulz permet une intégration européenne plus rapide que ce qu’on aurait pu attendre d’une coalition jamaïcaine”, qu’Angela Merkel a échoué à sceller avec le parti libéral de Christian Lindner. En montant au gouvernement, les socio-démocrates allemands rapprochent Berlin de Paris, renforçant les chances de succès du nouveau duo. Encore faut-il que les militants du parti valident la proposition de leurs chefs.

 

>> Lire l'article sur le site L'Echo.be [1].