Publié le 09/04/2018

Corentin BRUSTLEIN, cité dans Libération, propos recueillis par Pierre Alonso

En cas d’intervention en Syrie, la France pourrait utiliser ses bases aériennes dans la région. Le rôle joué par les Etats-Unis et la Russie sera crucial.

De fortes suspicions d’attaques chimiques par le régime syrien, des menaces de représailles militaires de la part des Etats-Unis et de la France… La situation a un air de déjà-vu. En 2013, Paris et Washington étaient sur le point de bombarder les installations d’Al-Assad, avant que Barack Obama décide finalement de temporiser. Aujourd’hui, la situation militaire n’est plus du tout la même sur place, et complique de fait les plans occidentaux. «Les Russes sont beaucoup plus présents en Syrie, ils ont déployé des systèmes anti-aériens plus solides, comme les S-300 et les S-400 [la version la plus perfectionnée de ces systèmes longue portée, ndlr]. Ils couvrent une zone très étendue, qui va au-delà du sol syrien», souligne Corentin Brustlein, directeur du centre des études de sécurité de l’Institut français des relations internationales (Ifri).

Pincettes.

Un précédent est dans toutes les têtes. Le 10 février, un F16 israélien a été abattu après avoir bombardé une base syrienne. Si une enquête de l'armée à conclu à "une erreur professionnelle" du pilote, qui aurait préféré terminer sa mission au lieu de se défendre, des interrogations demeurent sur l’origine exacte des missiles, russes ou syriens. Lors d’un nouveau raid israélien contre la même installation, dans la nuit de dimanche à lundi, cinq des huit missiles tirés auraient été interceptés, selon le ministère de la Défense russe. Une affirmation à prendre avec des pincettes, qui montre néanmoins la volonté de Moscou de sanctuariser le ciel syrien, et de le faire savoir. C’est la principale inconnue : «Les systèmes anti-aériens russe et syrien forment-ils un ensemble cohérent et connecté ? interroge Corentin Brustlein. S’ils sont ségrégués, il y a de vraies options pour les frappes.»

Des différents scénarios envisageables par Paris, l’envoi de Rafale armés de missiles Scalp paraît le plus crédible. Leur portée, supérieure à 250 km, permet aux pilotes de rester hors de portée de la défense aérienne en Syrie. D’où décolleraient les Rafale ? La France dispose de deux bases relativement proches, l’une en Jordanie, utilisée pour la guerre contre l’Etat islamique, l’autre aux Emirats arabes unis. Partir de ces emplacements nécessite néanmoins d’obtenir l’accord des pays concernés, ainsi que l'a noté le blog spécialisé Le Mamouth.

Le porte-avions Charles-de-Gaulle est, quant à lui, en cale sèche à Toulon, pour une rénovation qui doit durer encore plusieurs mois. Reste l’option d’un décollage depuis la France, qui nécessiterait toutefois plusieurs ravitaillements en vol, synonyme d’une opération beaucoup plus complexe et potentiellement plus longue à monter. Surtout si la France veut agir seule. En mars, Emmanuel Macron avait crânement assuré avoir «la capacité autonome de procéder à des frappes [ciblées]»contre le régime.

Incertaine.

D’un point de vue opérationnel, un raid franco-américain simplifierait la tâche des Français et augmenterait les chances d’atteindre les cibles.«Les sous-marins américains peuvent tirer des missiles de croisière, d’une portée supérieure aux Scalp. Ils peuvent aussi aligner des avions de guerre électronique pour brouiller les radars, même s’il n’est pas certain que la technologie fonctionne sur les S-400», ajoute Corentin Brustlein, de l’Ifri. Multiplier les tirs permet enfin de «saturer» les défenses, donc de les traverser plus facilement.

En cas d’attaque franco-américaine, la réaction des Russes est incertaine. Lors du raid américain d’avril 2017, Moscou avait été averti à temps pour écarter ses soldats déployés sur place.

Lire l'article sur Libération [1].