Publié le 02/10/2018

Claude MEYER

La Chine, qui veut s'affirmer comme première puissance mondiale, pose à l'Occident un défi de nature à la fois économique, géopolitique et culturelle. Si l'on prend la mesure de ses ambitions, si l'on reste conscient des limites de son modèle, un dialogue constructif peut se mettre en place, au moins sur les plans culturel et économique.

Face à un Occident en proie au doute et à une sorte de « fatigue démocratique », la Chine affirme résolument ses ambitions et se projette dans l’avenir avec une assurance qui tranche avec sa retenue passée. « [Au milieu de ce siècle] … la Chine se hissera au premier rang du monde en termes de puissance globale et de rayonnement international », déclarait le président Xi Jinping devant le Congrès du PC chinois en octobre 2017. S’imposer comme première puissance mondiale et mettre fin à la domination occidentale, voilà donc ce « rêve chinois » qu’il annonçait lors de son arrivée au pouvoir en 2013. Le défi ainsi posé à l’Occident n’est pas seulement économique et géopolitique, il est aussi idéologique et culturel. Comment alors éviter que les relations entre la Chine et l’Occident ne soient dominées par l’affrontement ? À quelles conditions un dialogue à la fois exigeant, lucide et constructif peut-il leur permettre de mettre en œuvre des coopérations ambitieuses et par là même, de rendre plus habitable ce monde instable, miné par les inégalités et menacé par la montée des nationalismes ?

Dans sa volonté de reconquérir la place qui fut longtemps la sienne et de s’imposer comme première puissance mondiale, la Chine poursuit trois ambitions essentielles : affirmer sa suprématie économique, rééquilibrer en sa faveur le système international actuellement dominé par les États-Unis et développer un soft power à la mesure de son poids économique. Rivalités pour la suprématie mondiale, visions politiques antagonistes, choc des cultures : le dialogue entre Chine et l’Occident se heurte à de nombreuses difficultés. Certaines, notamment dans le domaine politique, semblent pour l’heure insurmontables mais cela ne devrait pas empêcher la recherche obstinée de valeurs communes et d’un horizon partagé dans les affaires du monde. Les difficultés d’un tel dialogue, à la fois ouvert et exigeant, ne doivent pourtant pas être minorées. Il exclut deux attitudes, la prétention à ériger ses propres valeurs et pratiques en normes universelles et à l'opposé, le relativisme qui enferme chacun dans sa propre spécificité.

Un précédent historique, la mission jésuite en Chine aux XVIIe et XVIIIe siècles, peut être une source d’inspiration pour initier de tels échanges. Sur quels plans ? Le dialogue culturel est prometteur, le dialogue économique est essentiel mais très difficile ; quant au dialogue politique, il est pour l’heure impossible. L’Europe doit cependant s’engager dans un partenariat constructif, fondé sur la recherche des points de convergence avec Pékin. Coopération sur les grands dossiers multilatéraux - développement de l’Afrique et changement climatique notamment -, dialogue économique et échanges culturels : tels sont les grands axes d’une relation fructueuse de l’UE avec la Chine. Mais la défense par l’Europe de ses propres intérêts et valeurs est tout aussi importante. Il lui faut donc renforcer ses instruments de défense en matière commerciale et ne pas transiger sur ses principes fondateurs, notamment en matière de libertés fondamentales et de protection des droits de l'homme.

Lire l'étude, L'Europe face à la Chine: affrontement ou dialogue? [1]