Publié le 03/02/2019

Marc-Antoine EYL-MAZZEGA, cité par Vincent Collen dans Les Echos

Le pays deviendra exportateur net d'énergie en 2020, pour la première fois depuis les années 1950. La révolution du schiste engendre un boom de la production de pétrole et de gaz.

La révolution du schiste américain, démarrée il y a une dizaine d'années seulement, n'en finit pas de bouleverser la planète énergie. Dès 2020, les Etats-Unis vont devenir exportateurs nets de produits énergétiques, a annoncé il y a quelques jours l'Energy Information Administration. Les exportations de pétrole, de gaz et de charbon combinées seront supérieures aux importations, pour la première fois depuis 1953.

Les Etats-Unis sont devenus exportateurs nets de gaz en 2017.  Pour le pétrole et les liquides associés (condensats...), ce sera le cas en 2020. La consommation intérieure d'or noir recule alors que la production ne cesse de battre des records. En décembre dernier, elle a atteint 11,8 millions de barils par jour, une hausse de 2,2 millions en un an. Soit plus de 20 % d'augmentation. Du jamais-vu dans l'histoire du pays.

Record sur record

Même si la croissance ne pourra pas toujours être aussi forte - un ralentissement est en vue cette année avec le recul du prix du baril -, le boom n'est pas près de s'arrêter. L'administration américaine prévoit de nouveaux records, année après année, jusqu'au milieu de la prochaine décennie. Ce n'est que vers 2050 que les Etats-Unis redeviendraient importateurs nets de pétrole.

Certains experts sont encore plus optimistes. Dès 2025, la production américaine d'or noir dépasserait celle de la Russie et de l'Arabie saoudite combinées, prévoit Artem Abramov, analyste chez Rystad Energy. « Tant que les prix moyens restent au-dessus de 50 dollars le baril, la tendance positive pour la production américaine persistera », estime-t-il. Les réserves ne sont pas près de se tarir selon lui. Même dans les bassins les plus matures du Texas et du Dakota du Nord, « environ 70 % des ressources économiquement exploitables sont encore à développer ».

Les exportations de gaz vont elles aussi continuer à progresser jusqu'en 2030 avant de se stabiliser. Cette tendance est d'autant plus remarquable que la consommation de gaz aux Etats-Unis progresse, en particulier pour se substituer au charbon dans la production d'électricité. Mais la production augmente beaucoup plus vite.

Investissements massifs

Le pays investit massivement dans des gazoducs pour exporter vers le Mexique et le Canada, et dans des usines de liquéfaction au Texas et en Louisiane pour acheminer du gaz naturel liquéfié (GNL) par navire vers l'Europe ou l'Asie. Trois nouveaux projets devraient être lancés avant l'été sur la côte du Golfe du Mexique avec une capacité combinée de 30 millions de tonnes par an, prévoit le cabinet Wood Mackenzie, pour un investissement total de 20 milliards de dollars.

Peut-on dire pour autant que les Etats-Unis ne dépendent plus de l'étranger pour leur approvisionnement ? Non, car les importations sont toujours importantes. Les cinq premiers fournisseurs de pétrole du pays sont le Canada, l'Arabie saoudite, le Mexique, le Venezuela et l'Irak. « Les raffineries américaines sont configurées pour traiter du brut lourd, qui n'est pas produit aux Etats-Unis », souligne Marc-Antoine Eyl-Mazzega, directeur du Centre énergie de l'Ifri. Un héritage du passé qui a été mis en lumière récemment avec l'embargo sur les importations de pétrole vénézuélien.

Marges de manoeuvre diplomatiques

Cette moindre dépendance extérieure présente des avantages de taille. Elle réduit le déficit commercial et elle élargit les marges de manoeuvre diplomatiques de Washington vis-à-vis de pays-clefs comme l'Arabie saoudite. « L'entrée en vigueur de sanctions contre l'Iran sera également facilitée car les Etats-Unis pourront se substituer en partie au brut iranien exporté vers l'Asie et l'Europe », décrypte Marc-Antoine Eyl-Mazzega.

Vincent Collen

Lire l'article sur le site Les Echos [1]