Publié le 07/02/2019

Matthieu TARDIS

Le « Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières » a été adopté à Marrakech les 10 et 11 décembre 2018, à l’issue de 18 mois de consultations et de négociations. 

Il est présenté comme le premier accord des Nations unies sur une approche globale des migrations internationales dans toutes ses dimensions. S’il vise à devenir la pierre angulaire d’une gouvernance mondiale des migrations, souhaitée par la communauté internationale, il se heurte pourtant à des priorités nationales contradictoires en fonction des enjeux migratoires de chaque État, au gré d’une opposition entre Nord et Sud, pays d’origine et pays de destination.

Le pacte illustre par ailleurs une évolution des objectifs de la gouvernance mondiale des migrations, originellement placés, dans le contexte d’après-guerre, sous le signe de la protection des droits humains. Avec le tournant des années 1990 et la fin des régimes communistes, les migrations ont été perçues comme un risque pour la stabilité et la sécurité des États. Les Nations unies ont alors renouvelé leur approche en soulignant plutôt l’apport positif des migrations comme facteur de développement. En mettant l’accent sur les coûts et les bénéfices des flux migratoires, cette approche peut s’accorder aussi aux politiques de contrôle des frontières et de lutte contre l’immigration irrégulière des pays du Nord.

Les instruments de la gouvernance mondiale des migrations illustrent cette évolution. L’approche fondée sur les droits a abouti à la Convention internationale de 1990 sur la protection des droits des travailleurs migrants, limitée par le refus des pays du Nord de la ratifier. Près de trente ans plus tard, le pacte mondial sur les migrations poursuit une démarche plus pragmatique. Le texte est juridiquement non contraignant. Il reflète une préférence pour des instruments de soft law, capables de répondre à des problématiques de manière plus ciblée et flexible.

L’enjeu du pacte dépasse les seules questions migratoires et touche au rôle de l’Organisation des Nations unies (ONU) dans un contexte de remise en cause du multilatéralisme. L’approche managériale des migrations promue par le pacte permet à l’ONU de jouer un rôle d’appui technique aux États sur une base volontaire. Cela conduit également à une évolution de différences agences, en conférant un rôle central à l’Organisation internationale des migrations (OIM).