Publié le 14/05/2019

Victor MAGNANI, cité par Pascal Airault dans l'Opinion.

Le chef de l’Etat a réussi son pari de gagner les élections législatives et provinciales mais sa marge de manœuvre est étroite pour mettre en œuvre sa feuille de route.

Le Congrès national africain (ANC) a obtenu 57,5 % des voix aux législatives et remporte une majorité en sièges au parlement (230 sur 400). Il en perd néanmoins 19 par rapport au scrutin précédent avec la montée en puissance des Combattants de la liberté économique (EFF) de Julius Malema, une formation de la gauche radicale qui obtient près de 10,8 % des suffrages (44 sièges, plus 19). L’Alliance démocratique (DA) de Mmusi Maimane reste la deuxième formation du pays avec 20,8 % des voix (84 sièges contre 89 précédemment).

Vainqueur des dernières législatives et provinciales en Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa garde son fauteuil de chef de l’Etat mais devra faire preuve de toutes ses qualités de négociateur pour composer le gouvernement, promis avant la fin du mois. Cet ancien militant syndical devenu avocat, puis homme d’affaires, doit composer avec ses adversaires au sein du Congrès national africain (ANC, le parti historique de Nelson Mandela), après en avoir pris les rênes en décembre 2017.
 

  • « Même si le score de l’ANC s’est légèrement érodé, le président jouit d’une majorité à l’assemblée et dans huit des neuf provinces, ce qui lui laisse une grande marge de manœuvre par rapport à l’opposition, explique Victor Magnani, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri). La compétition se joue plus au sein de sa formation politique. ​»

Durant la campagne, Cyril Ramaphosa a promis à ses compatriotes d’éradiquer la corruption, de relancer l’économie, d’améliorer les politiques publiques, de réduire les inégalités comme celle de l’accès à la terre, encore en faveur de la minorité blanche. Il incarne la nouvelle vision libérale du pays.
 

  • « ​Est-ce qu’il aura la capacité à imposer la nomination de ministres proches et compétents susceptibles d’appliquer sa feuille de route ou sera-t-il contraint d’accorder à la faction adverse des postes, ce qui pourrait conduire à l’inertie et à la poursuite du déclin économique et politique ​? interroge Victor Magnani. Le jeu d’équilibre n’est pas aisé. ​»

Le chef de l’Etat a commandé une enquête à la ministre de la Fonction publique et de l’administration, Ayanda Dlodlo, pour lui faire des suggestions de réorganisation du cabinet en supprimant notamment des portefeuilles. La justice mène aussi des investigations sur plusieurs proches de Jacob Zuma, l’ex-président. Deux pilules difficiles à avaler pour les politiciens qui lui sont restés fidèles.

Sur sa route, Cyril Ramaphosa trouve les caciques à la tête des provinces et Ace Magashule, le secrétaire général de l’ANC sur lequel planent des soupçons de corruption.
 

  • « ​C’est l’adversaire le plus direct et le plus assumé, poursuit Victor Magnani. Réputé proche de Jacob Zuma, il est ambitieux politiquement à 60 ans. Mais il faudra aussi regarder du côté de David Mabuza, le vice président du pays et de l’ANC, un autre soutien historique de l’ex-chef de l’Etat. Si Cyril Ramaphosa rencontre des difficultés ou connaît un échec lors des prochaines municipales, le vice-président pourrait se positionner dans l’optique de la succession. ​»

La partie est donc loin d’être gagnée pour le chef de l’Etat. Le manque de résultats économiques et les affaires de corruption se sont traduits par une abstention plus forte et une perte de voix pour l’ANC et l’Alliance démocratique au profit des partis d’extrême gauche (EFF) et suprémaciste blanc (Freedom Front Plus). Le chômage touche 27,1 % des Sud-africains et 50 % de la jeunesse, la croissance est en berne à 0,8 %, les inégalités sociales progressent, des grandes entreprises publiques comme (électricité) sont endettées, les mineurs et les étudiants des universités sont toujours prêts à en découdre avec le pouvoir.
 

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