Publié le 17/05/2019

Éric-André MARTIN, cité par Valentine Dunyach dans Le Point

Moins d'un jeune français sur quatre prévoit d'aller voter aux élections européennes le 26 mai. D'où le désintérêt de notre jeunesse pour l'Europe vient-il  ? Entre méfiance et méconnaissance, les jeunes Français boudent l'Europe. Les 18-25 ans ne se reconnaissent pas – ou peu – dans l'Union européenne qu'on leur propose.

N'étant ni acteurs ni décisionnaires des enjeux conduits par la Commission, c'est le désamour qui règne entre le Vieux Continent et eux. Un sondage de l'Ifop sur les jeunes Français et l'Union européenne, publié en avril 2019, révèle que, sur 100 jeunes inscrits, 77 n'iront pas voter aux élections européennes.

C'est d'abord dans leurs cahiers d'école que les jeunes Français découvrent l'Union européenne. Comme un objet d'histoire, puis comme un pan de la mondialisation dans le programme de géographie. Et ensuite ? Perçue comme une institution compliquée plus que comme un instrument démocratique majeur, l'Union européenne ne trouve que peu de grâce à leurs yeux. Mais à qui la faute ?

 

Discover UE, un Erasmus restreint

Pour séduire les jeunes, l'UE investit cette année 16 millions d'euros pour un programme de voyage-découverte au sein de l'UE : Discover UE. Seuls les jeunes âgés de 18 ans exactement peuvent y prétendre. Ils doivent se rendre à destination par le train, le tout pour 260 euros au maximum. Trente mille jeunes ont déjà profité de cette offre lancée en 2018.

Au-delà de ne pas s'ouvrir à lui, ils fuiraient même le Vieux Continent pour d'autres horizons, plus attractifs. En effet, d'après le Centre d'études et de recherches sur les qualifications, le Cereq, en 2016, un étudiant français sur trois choisit de partir hors de l'Europe au cours de sa formation et opte pour des stages de fin d'études à l'international.

Le rapport à l'Europe y est très différent pour la jeunesse, selon le lieu de vie.

Passer un semestre dans un pays européen apporte des compétences linguistiques, apprend la mobilité et se révèle être un véritable enrichissement personnel, détaille le site de référencement sur les questions européennes. En 2018, 85 000 Français ont bénéficié d'une mobilité Erasmus, la France étant le premier pays d'envoi d'étudiants. Mais on ne peut résumer l'intérêt des jeunes pour l'Europe à un échange d'étudiants qui fait ses preuves.

Pour le politologue Éric-André Martin [1], membre de l'Ifri et du CAPS (Centre d'analyse, de prévision et de stratégie) du ministère des Affaires étrangères, le problème est plus profond que cela et renvoie à des inégalités dans les choix professionnels :

  • « Pour y participer, il faut parler une langue étrangère et correspondre à un cursus de certaines filières, voire un parcours de vie. Participer au programme Erasmus renvoie à une certaine façon de voir l'avenir. Erasmus s'ouvre à vous si vous êtes dans une grande ville française, beaucoup moins dans une zone rurale. Le milieu familial prédispose ou pas à la culture européenne ; si votre père est agriculteur et que vous souhaitez être agriculteur à votre tour, votre seul lien direct avec l'Europe sera la PAC. »

Un avenir morose

Pour le politologue, les médias débattent des questions européennes de façon stérile. Le sujet, souvent politisé, évolue rarement dans l'entre-deux.

  • « Le problème est que les jeunes ne font pas forcément la différence entre ce dont ils bénéficient grâce à l'Europe et ce que leur apporte la mondialisation. La jeunesse a besoin qu'on l'accompagne, qu'on l'éduque. Et, pour elle, l'appartenance à l'UE ne va pas de soi ; cet apprentissage devrait davantage venir de l'école. De plus, je crois qu'on n'assume pas en France d'avoir un clivage sur l'Europe. Les Français ont tendance à être trop manichéens en disant soit on est pour l'Europe, soit on est contre. Il faut reconnaître les erreurs qui ont été commises et parler de l'Europe de manière plus décomplexée, comme on peut le faire en Allemagne. »

Selon un sondage d'OpinionWay sur les 18-30 ans [2], datant du 26 avril, les jeunes Français voient l'avenir de l'Europe de manière pessimiste. Le « sentiment positif » des jeunes Français s'est réduit de 7 points par rapport à l'Union européenne. La moitié des votants déclare exprimer par ce vote « un désaccord sur la manière dont est dirigée l'Union européenne ». Éric-André Martin tempère et appelle à ne pas jeter l'opprobre si rapidement sur les institutions européennes :

  • « L'Union européenne fait son travail sérieusement, mais on ne peut pas reprocher à l'UE ce que les états ne veulent pas faire, ce qu'ils ne veulent pas voter. »

Les élections européennes se profilent à l'horizon pour la France. Jeunes et moins jeunes auront ainsi l'occasion de déposer un bulletin dans l'urne pour l'Europe le 26 mai.

 

Voir l'article sur LePoint.fr [3]