Publié le 03/07/2019

Bobo LO

Dans la politique étrangère de Vladimir Poutine, le projet de « Grande Eurasie » occupe une place centrale en tant que symbole de la renaissance de l’influence internationale de la Russie.

Slogan politique et construction idéologique, ses visées sont aussi bien géopolitiques qu’économiques. Il représente aussi une tentative d’insuffler un certain dynamisme à l’Union économique eurasiatique. Mais surtout, ce projet a vocation à établir un nouvel ordre mondial « post-américain », dans lequel la Russie jouerait un rôle pivot. La Grande Eurasie est une construction en cours : bon nombre de ses objectifs restent encore abstraits et les défis sont immenses. Sa réussite dépendra de la capacité de Moscou à ménager les intérêts parfois contradictoires d’autres pays (en particulier ceux de la Chine), à dépasser les limites de sa puissance et à maintenir sa détermination politique sur le long terme. À l’heure actuelle, rien ne permet d’affirmer que le Kremlin sera à la hauteur de ses ambitions. La Grande Eurasie apparaît davantage comme un « anti-projet », une démonstration d’hostilité envers l’ordre libéral international, que comme un programme pertinent de gouvernance régionale. Certes, rien n’est joué : une vision constructive pourrait émerger de la confusion. Cependant, à l’instar d’autres grands projets du Kremlin, la Grande Eurasie pourrait aussi se révéler une coquille vide et être progressivement abandonnée.

Bobo Lo est chercheur associé au Centre Russie/NEI de l'Ifri.

Ce contenu est disponible en anglais : Greater Eurasia: The Emperor’s New Clothes or an Idea whose Time Has Come? [1]