Publié le 20/01/2020

Thierry VIRCOULON, interview parue dans Les Echos. Propos recueillis par Michel De Grandi

L'Afrique du Sud, où se trouve actuellement le chercheur Thierry Vircoulon, n'est pas prêt de sortir de son marrasme économique, même si les milieux d'affaires réclament des réformes. L'urbanisation qui est à l'oeuvre est également une réalité sur tout le continent, mais elle s'effectue le plus souvent dans une forme d'anarchie.

L'Afrique du Sud s'enfonce dans la crise économique et budgétaire. Peut-on imaginer un redressement à court terme ?

Cette  crise dure depuis vingt ans . Tous les gouvernements qui arrivent au pouvoir veulent redresser la situation et échouent l'un après l'autre. Il n'y a rien d'étonnant à cela, puisque les origines de cette crise sont politiques. Tant que les intérêts du parti au pouvoir constitueront le principal obstacle aux réformes, rien ne se passera. Les milieux d'affaires attendent des mesures fortes ; les entreprises d'Etat sont très endettées et  tombent dans le rouge .  Le cas le plus emblématique est celui d'Eskom , l'électricien dont les délestages incessants constituent un frein au développement. Mais on peut citer aussi la compagnie aérienne nationale. Un point positif mérite toutefois d'être relevé : en novembre, le gouvernement a présenté sa nouvelle politique énergétique qui se fonde sur le  développement des énergies renouvelables . Dans un pays où 95 % de l'électricité provient du charbon, cette inflexion de long terme est louable.

Les autorités de Pretoria ont distribué dans les années 1990 des logements sociaux en masse et donc favorisé l'installation en zone urbaine. Est-ce que ce modèle peut être transposé à l'échelle du continent ?

Les autorités sud-africaines ont agi principalement dans le but d'offrir des logements décents à des personnes qui vivaient jusque-là dans des bidonvilles insalubres. Ce mouvement n'a pas favorisé en soi l'urbanisation, qui existait bien avant. On voit aujourd'hui en Afrique du Sud les quatre grandes villes continuer à s'étendre et certaines villes de province drainer une partie de la population rurale. L'urbanisation à l'échelle du continent, c'est à mon sens plutôt une « bidonvilisation » en ce sens que l'expansion des zones urbaines est incontrôlée et non planifiée.  Le creusement des inégalités sur le continent africain explique en grande partie ce phénomène. Mais, à ce jour, je ne vois pas un seul pays qui réussisse à planifier la croissance de ses villes.

En même temps que l'urbanisation, le réchauffement climatique est un autre défi majeur pour le continent. Y a-t-il des conséquences déjà visibles ?

Le réchauffement climatique est un sujet à part entière. Car à côté de la démographie en rapide expansion, le phénomène des réfugiés climatiques est déjà une réalité. Dans le sud du Tchad, on assiste à l'arrivée de populations venues du nord et du centre qui sont descendues, faute de ressources suffisantes dans les zones - essentiellement le Sahel - où elles se trouvaient. Ce sont surtout les éleveurs qui migrent ce qui ne va pas sans frictions et conflits communautaires. L'autre phénomène visible concerne l'approvisionnement en eau.  La ville du Cap, en Afrique du Sud, a vu, en 2018, ses réservoirs quasiment à sec et s'est dangereusement rapprochée de son « jour zéro ». Des pays traditionnellement arides, comme le Zimbabwe ou la Zambie, alternent les périodes de sécheresse intense avec les pluies torrentielles. Dans un cas comme dans l'autre, de tels écarts nuisent à l'agriculture.

 

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