Publié le 29/04/2020

John SEAMAN, (dir.) avec , Marc JULIENNE, et les partenaires européens du réseau ETNC.

Une analyse de 19 pays révèle la complexité des relations de l’Europe avec la Chine en période de crise du Covid-19.

Le rapport, qui rassemble des experts de tout le continent, est le fruit de la collaboration des 21 instituts de recherche qui composent le Réseau européen des think-tanks sur la Chine [1] (ETNC), dont l'Ifri est membre fondateur.

Comme l'explique John Seaman, directeur du rapport et chercheur au Centre Asie de l'Ifri, avec le Covid-19 la Chine prend pour la première fois une place déterminante au cœur de la vie des citoyens, des gouvernements et du projet européen dans son ensemble. La manière dont les relations avec la Chine évoluent au cours de la crise aura certainement un effet structurant sur l’avenir de la relation Europe-Chine

2020 se présentait déjà comme une année capitale pour les relations Europe-Chine. Des décisions cruciales devraient être prises sur des questions telles que l'octroi des licences 5G en Europe et un accord bilatéral d'investissement entre la Chine et l'Union européenne (UE), tandis qu'en septembre, 27 chefs d'État et de gouvernement européens devraient s'asseoir, pour la première fois collectivement, avec leur homologue chinois à Leipzig, en Allemagne. 2020 s'annonce désormais décisive sur un éventail encore plus large de sujets.

PRINCIPALES OBSERVATIONS TIRÉES DU RAPPORT :

  • La crise a entraîné davantage de coopération entre l’Europe et la Chine, autant qu’elle a suscité de nouvelles tensions, et qu’elle a aggravé certaines fractures préexistantes en Europe, sur la manière de traiter avec une Chine toujours plus influente.
  • Des enjeux structurels dans les relations Europe-Chine – tels que le filtrage des investissements, les contours du multilatéralisme et de l’autonomie stratégique – deviendront d’autant plus critiques à l’avenir.
  • L'assistance médicale au cours de la crise a été réciproque et les achats d’équipements médicaux de l’Europe à la Chine ont largement excédé les dons.
  • Parallèlement, les diplomates chinois sont devenus plus visibles et proactifs dans une grande partie de l'Europe, en particulier sur les réseaux sociaux.
  • Alors que la nouvelle diplomatie proactive chinoise est une réalité partout en Europe, il existe néanmoins diverses méthodes à l’œuvre, allant de la discrétion (voir Lettonie ou Roumanie), à « l’offensive de charme » (voir Pologne, Portugal, Italie ou Espagne), et à la provocation agressive (voir Suède, Allemagne ou France).
  • La Chine devient un sujet de plus en plus clivant du débat politique interne dans de nombreux pays européens. Dans le même temps, les actions de la Chine envers l'Europe en cette période de crise semblent amplifier les fractures à travers le continent.
  • Néanmoins, on ne peut exclure qu'avec le temps, la Chine se révélera un catalyseur pour l'émergence de « l’Europe géopolitique » tant attendue. En effet, la Chine a récemment été le déclencheur d’initiatives européennes communes sur des questions telles que le filtrage des investissements, la 5G et les politiques industrielles, et a stimulé la réflexion stratégique dans un certain nombre de capitales.
  • Enfin, les débats intra-européens n'ont pas été épargnés par la rivalité sino-américaine, qui pourra aussi constituer un élément structurel des discussions pour envisager le monde post-Covid-19.

LE CAS DE LA FRANCE :

Dans ce rapport, Marc Julienne, responsable des activités Chine au Centre Asie de l'Ifri, analyse l’évolution des relations entre la France et la Chine au cours de la crise du Covid-19.

  • A mesure que la crise de Covid-19 a évolué, la Chine et la France ont démontré leur solidarité mutuelle face à la pandémie. Cependant, leur relation bilatérale a également été mise à l’épreuve, particulièrement suite aux prises de positions publiques controversées de l'ambassade de Chine à Paris.
  • À travers une série de tribunes publiée sur son site internet, l'ambassade de la République populaire de Chine (RPC) en France a développé un argumentaire agressif de dénigrement des démocraties occidentales contre le modèle chinois, présenté comme victorieux dans la gestion de l’épidémie.
  • L’attitude de l'ambassade de Chine en France, qui a eu pour conséquence la convocation de l’ambassadeur par le ministre français des Affaires étrangères, reflète la nouvelle approche diplomatique de Pékin en matière de relations publiques, plus proactive et agressive. Cette nouvelle approche a été observée dans de nombreux pays, notamment en Europe.
  • D'une couverture médiatique plutôt positive envers la Chine au début de crise, l'opinion publique française semble avoir évolué vers une attitude plus méfiante, voire hostile, vis-à-vis de la Chine à partir de fin mars. Cette transition a été provoquée par les doutes croissants sur la transparence de la Chine, les accusations d’influence auprès de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les soupçons de motivations géopolitiques derrière ce que l’on a appelé la « diplomatie du masque » de la Chine, ainsi que les prises de positions agressives de l’ambassade de Chine en France
  • L’attitude agressive de l’ambassade est un phénomène nouveau qui risque de nuire à l’image de la Chine en France, y compris au sein du gouvernement, et qui pourrait affecter la relation bilatérale.
  • La pandémie de Covid-19 devrait confirmer les engagements du Président Macron en faveur du multilatéralisme et de l’autonomie stratégique. L'UE constitue la priorité de ce multilatéralisme, et la Chine demeurera un partenaire important. L'autonomie stratégique pourra se concrétiser par une autosuffisance accrue dans certains secteurs industriels, et donc par une diminution relative des investissements français et européens en Chine.

 

Ce rapport est disponible uniquement en anglais: Covid-19 and Europe-China Relations: A country-level analysis [2]