Publié le 28/05/2020

Céline PAJON

Fort de sa stabilité au pouvoir depuis 2012 - soit la longévité la plus importante pour un Premier ministre dans l'Histoire du Japon - Shinzo Abe mène depuis son arrivée au pouvoir une diplomatie jugée proactive et pragmatique.

Abe incarne en effet un retour remarquable du Japon sur la scène internationale. Cela est dû à sa longévité au pouvoir, mais aussi et surtout à son intérêt personnel pour les affaires stratégiques. Il a ainsi rapidement doté le pays d’une véritable « stratégie de sécurité nationale » fondée sur un « pacifisme actif dans le monde », ainsi qu’une diplomatie proactive.

Shinzo Abe s’est engagé personnellement à développer la présence japonaise dans le monde, à travers ses nombreux voyages officiels. Il s’est attaché à faire preuve d’initiative pour mieux défendre les intérêts du pays dans le contexte de la rivalité sino-américaine, mais aussi à défendre une vision du monde et du rôle international du Japon. Tokyo a ainsi cherché à se présenter comme un pilier central de la démocratie libérale et un champion du système multilatéral hérité de 1945.

En particulier, Shinzo Abe et ses conseillers sont à l’origine du narratif de l’Indo-Pacifique Libre et Ouvert (Free and Open Indo-Pacific– FOIP). C’est donc bien le Japon qui a contribué à populariser ce terme d’Indo-Pacifique qui aujourd’hui fédère plusieurs grandes démocraties asiatiques, dans un mouvement de contrepoids à la Chine et à son initiative des Nouvelles Routes de la Soie.

Un autre exemple de l’activisme diplomatique japonais est la reprise en main du Traité Trans-Pacifique (TPP), après le retrait des Etats-Unis. Tokyo a décidé de conduire les discussions pour l’adoption d’un TPP à 11 (entré en vigueur en décembre 2018), avec l’espoir de voir les Etats-Unis revenir sur le moyen terme. Cet accord de libre-échange ambitieux vise à écrire les règles du jeu des échanges commerciaux au 21ème siècle. Dans la même perspective, Tokyo s’est montré particulièrement actif au sein des organisations internationales et lors des sommets G7 de Ise-Shima (2017) et G20 d’Osaka (2019) pour définir les normes internationales en matière d’infrastructures ou dans le domaine de la gouvernance des données.

La politique étrangère japonaise peut être qualifiée en grande partie de pragmatique : elle vise d’abord à favoriser un environnement international le plus favorable pour le pays ; à maximiser les options du Japon, en multipliant ses partenaires par exemple, voire en négociant un rapprochement circonstancié et conditionné avec la Chine, pour des raisons économiques. Toutefois, le fait que Shinzo Abe a centralisé la prise de décision géostratégique au sein du Cabinet du Premier ministre conduit parfois à des approches qui semblent plus « idéologiques » que pragmatiques. On peut notamment penser à la relation avec la Russie. Shinzo Abe poursuit un objectif très personnel quand il multiplie les rencontres avec Vladimir Poutine dans l’espoir de conclure un traité de paix. Ceci en dépit des multiples rebuffades du locataire du Kremlin et alors qu’une résolution du contentieux territorial reste hors de portée.

L'article intégral est à retrouver dans les Grands dossiers de Diplomatie n°56, mai-juin 2020, consacré à la géopolitique du Japon [1].