Publié le 04/06/2020

Laurence NARDON, invitée de l'émission "C dans l'air" sur France 5

Aux États-Unis, alors que deux autopsies ont confirmé le décès par asphyxie de George Floyd, les tensions ne retombent pas. Des milliers de personnes ont décidé de braver le couvre-feu imposé par les autorités dans plusieurs grandes villes des États-Unis et les critiques se multiplient contre la ligne dure adoptée par Donald Trump qui entend réprimer ce qu'il qualifie de "terrorisme intérieur" par la force.

Dans un discours martial lundi, le président américain, promettant "la loi et l'ordre", a appelé la garde nationale à "dominer les rues" et a mis la pression sur les gouverneurs, affirmant que si ces derniers ne parvenaient pas à mettre fin à la violence, il enverrait l’armée “pour faire le travail à leur place”. Mais peu après, c’est une autre scène qui a particulièrement retenu l’attention : celle qui a vu des manifestants pacifiques rassemblés devant la Maison-Blanche évacués sans ménagement par la police pour permettre au président des États-Unis de poser pour les photographes en brandissant une Bible face aux objectifs devant l’église épiscopale St John.

Ces déclarations et ce geste de Donald Trump ont suscité la réprobation de nombreux élus, gouverneurs et responsables religieux. L’archevêque de l’Église épiscopale de Washington, Michael Curry, l’a ainsi accusé d’avoir utilisé le lieu de culte à des fins politiques. "Il n’a pas prié. Il n’a pas mentionné George Floyd, il n’a pas parlé de l’agonie des gens qui sont victimes de cette expression terrible du racisme et de la suprématie blanche depuis des centaines d’années", s’est aussi insurgée Mariann Budde, évêque à Washington, dans le New York Times.

Dénonçant l'évacuation de manifestants à coups de "gaz lacrymogène et de grenades assourdissantes" pour réaliser une "opération de communication", Joe Biden a également accusé Donald Trump d'avoir "transformé ce pays en un champ de bataille" et a promis de chercher "à guérir les blessures raciales qui le meurtrissent depuis si longtemps". La mort de George Floyd, par asphyxie lors d'une interpellation, est un "électrochoc". "Le moment est venu pour notre pays de s'attaquer au racisme institutionnel", a déclaré le candidat démocrate à la présidentielle en exhortant le Congrès à agir dès ce mois-ci, en "commençant par une véritable réforme de la police".

L’ancien vice-président de Barack Obama qui a eu du mal à exister pendant le confinement, contraint de faire des vidéos de son salon, est désormais de retour sur le terrain. Samedi il a participé à une marche en mémoire de George Floyd dans le Delaware d’où il a partagé une photo sur les réseaux sociaux le montrant le visage masqué contre le coronavirus, le genou à terre devant un homme noir et une fillette. Un geste fort, initié par le joueur de football américain Colin Kaepernick en 2016 lors de l'hymne national, qui visait à dénoncer les violences policières et les actes racistes. Synonyme de "trahison" pour la droite américaine, ce geste corporel est désormais repris par de nombreux manifestants aux Etats-Unis, mais aussi partout dans le monde.

En France, on a pu le voir lors d’un rassemblement mardi soir devant le tribunal à Paris à l’appel du comité de soutien à la famille d’Adama Traoré, ce jeune homme de 24 ans mort après son interpellation dans le Val d’Oise il y a quatre ans. Depuis les expertises se suivent et se contredisent sur la responsabilité des gendarmes qui l’ont arrêté. Mais jamais une manifestation à sa mémoire n’avait rassemblé autant de personnes. Bien que non autorisée, elle a réuni plus de 20 000 personnes, selon la Préfecture de police de Paris. Plusieurs rassemblements ont également eu lieu à Lyon, Marseille ou Lille. Dans la capitale, la situation s'est tendue en début de soirée, donnant lieu à 18 interpellations.

Invités :

- François Clemenceau, rédacteur en chef international au Journal du Dimanche 

- Laurence Nardon, chercheuse, spécialiste des États-Unis à l'IFRI

- Anne Deysine, juriste et politologue, spécialiste des États-Unis, auteure de "Les États-Unis et la démocratie"

- Olivier Piton, avocat au barreau de Paris et Washington, auteur de "La nouvelle révolution américaine"

Retrouvez l'émission ici [1]