Publié le 28/06/2020

Tatiana KASTOUEVA-JEAN, citée par Olivier Tallès dans La Croix

Les Russes votent, du 25 juin au 1er juillet, pour ou contre la modification de la constitution. Au cœur de la réforme, se trouve la possibilité pour Vladimir Poutine d’effectuer deux mandats de six ans de plus. Mais le pouvoir entend aussi inscrire son discours sur la défense des « valeurs traditionnelles ».

Sur le site gouvernemental consacré à la nouvelle constitution qui est soumis à une consultation en Russie du 25 juin au 1er juillet, il est question de beaucoup de choses, mais seul un lecteur très averti parviendra à comprendre que la réforme permettra à l’actuel président de se représenter pour deux nouveaux mandats après 2024.

L’information est noyée au milieu des amendements dits « conservateurs » ou nationalistes qui seront inscrits noir sur blanc dans les textes : la « foi en Dieu », le mariage comme institution hétérosexuelle, la protection de la « vérité historique », celle de la culture russe et de l’identité russe, le lien avec l’URSS, plus quelques mesures sociales dont l’indexation des retraites sur l’inflation.

[...]

Le champion des valeurs traditionnelles

En inscrivant un certain nombre de références aux valeurs dites traditionnelles et mythifiées de la Russie éternelle, Vladimir Poutine fait coup double. D’une part, il renforce l’intérêt des électeurs pour une réforme qui renforce le pouvoir présidentiel, à un moment où sa cote de popularité s’effrite. D’autre part, il cultive son image de dernier défenseur des « traditions » européennes qui seraient menacées par la mondialisation, la « propagande » LGBT et l’immigration, un thème cher à l’extrême droite européenne et à ses partis.

  • En construisant un récit qui se veut cohérent autour de la foi, le mariage et la famille, le Kremlin relègue au second plan la demande croissante de plus de justice sociale, évoqué par quelques amendements symboliques comme la nécessité pour l’État de prendre soin des enfants. Quel est l’effet de ce discours auprès des citoyens ? « Les propos contre le mariage homosexuel sont largement partagés en Russie, rappelle Tatiana Kastoueva-Jean, chercheuse à l’Institut français des relations stratégiques. Mais la société russe n’est pas véritablement conservatrice », ajoute l’auteure de La Russie de Poutine en 100 questions (1).

Derrière l’affichage des valeurs, les comportements des familles russes ne sont guère éloignés de ceux des Européens. Si le pays possède l’un des taux de mariage les plus élevés au monde, il est aussi un champion des divorces (1 sur 2). Autre indicateur : les citoyens se déclarent certes très majoritairement orthodoxes (70 %), mais moins de 4 % pratiquent.

D’ailleurs, un tiers de ceux qui se déclarent orthodoxes disent en même temps… ne pas croire en Dieu. Et beaucoup refusent de voir l’Église orthodoxe s’immiscer dans leur vie privée, que ce soit sur la question de l’avortement, très répandu dès l’époque soviétique, ou du recours aux mères porteuses, une pratique légalisée.

> Lire l'article sur le site de La Croix [1]